Serpico

SIDNEY LUMET (Studio Canal vidéo)


Pour 15 dollars européens seulement, avec une jaquette hideuse certes, sans le moindre bonus certes, offrez-vous Serpico, un film majeur et fondamental pour deux catégories de cinéphiles : les inconditionnels du cinéma américain des années 70 et le puissant lobby des "pacinistes". Les premiers découvriront un thriller carré, efficace, à la mise en scène nerveuse toute en ellipses fulgurantes, qui raconte dans un long flashback entre la vie et la mort la lutte d'un jeune flic idéaliste aux méthodes iconoclastes (ces collègues le traient de "wacko", barjo) contre la corruption qui s'empare de la police new-yorkaise. Serpico ouvrait ainsi la voie à tout un cinéma de genre contestataire dont son cinéaste, l'inégal Sidney Lumet, restera longtemps un des derniers représentants (même dans les années 80 avec Contre-enquête ou À bout de course). Quant aux pacinistes, ils pourront s'offrir un concentré magnifique des talents de leur idole. Al Pacino dans Serpico, c'est l'art d'être tout en même temps : un flic et un artiste, un gars d'la rue et un être raffiné, un homme et une femme (on le prend pour un pédé au début parce qu'il a eu le malheur de prendre des cours de danse et d'esquisser quelques gracieux pas chassés), un type glabre et fragile et un barbu costaud, un bon pote et un redoutable combattant, un amant séduisant et un solitaire taciturne. Le Pacino caméléon de Serpico offre une réponse possible à ce mystère : comment cet acteur a pu traverser trois décennies de cinéma américain en endossant tous les masques mais en restant lui-même, dans une filmographie où les quelques écarts ne pèsent rien par rapport aux incroyables chefs-d'œuvre auxquels il a participé ? CC


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Un monde vacillant