La Piste de glace

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Si l'œuvre de Roberto Bolano est tellement inclassable, c'est que son essence même est de se situer hors des traditionnelles classifications, de flirter avec les différents genres, de distordre les codes littéraires, de remettre en question la narration, de manipuler le lecteur. Cette marginalisation volontaire est traduite par un univers romanesque complexe, parfois déroutant, mais aussi incroyablement libre et inventif. La piste de glace n'échappe pas à cette règle. Animé par une énigme policière, le récit n'a pourtant pas grand-chose d'une série noire classique. L'intrigue, assez mince puisqu'on ne connaît l'identité de la victime que dans les dernières pages du livre, n'est qu'un prétexte, l'occasion de tordre le cou aux clichés du genre. Elle est aussi le point commun des trois voix qui constituent ce roman polyphonique : trois hommes, tous habitants de la ville de Z (une station balnéaire fantasmagorique) qui prennent tour à tour la parole. Il y a Remo Moran, l'homme d'affaire chilien qui est avant tout un écrivain raté ; Gaspar Heredia, clochard céleste et veilleur de nuit, un vieil ami du premier nommé ; et puis il y a Enric Rosquelles, l'employé subalterne de la mairie de Z, amoureux transi de la star locale de patinage artistique, pour qui il fera construire, à l'insu de tous, une merveilleuse piste de glace...Grâce à cette multiplicité des points de vue, Bolano se joue là encore des codes de représentation et retranscrit avec poésie la complexité du réel et le caractère insaisissable de l'existence. Il livre un roman truculent, jubilatoire, bourré de fausses pistes et de jeux de miroirs. À vos patins !YN

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