Conte de l'amour bifrons

LINDA LÊ (Bourgois)


Ylane et Ivan se rencontrent à la bibliothèque de l'hôpital psychiatrique où ils sont internés. D'emblée, les deux ombres déracinées du monde vont trouver en cette relation une possibilité de revenir à la vie. Mais l'amour, même fusionnel, est-il apte à guérir toutes les plaies ? Les romans de Linda Lê sont réellement incomparables. Ils mélangent avec magie la félicité et l'inquiétude, la sérénité et l'angoisse, dans une recherche ambiguë de l'identité et des névroses. L'ombre de Janus Bifrons, le dieu aux deux visages, plane sur cette histoire d'amour aux multiples facettes dans laquelle l'auteur s'immisce elle aussi. Une narratrice hantée par la présence de l'oiseau de mauvais augure, celui qui tire les ficelles de l'inspiration et qui l'autorise à poursuivre ou non son histoire. Une narratrice qui se confond avec ses propres personnages, et notamment avec son héros, l'apprenti écrivain : "J'approche de la fin de ce roman. Il semblerait que j'en sois l'auteur, mais par moments je ne sais plus si j'écris le livre dont rêve Ivan ou si je rêve du livre qu'il a écrit." Linda Lê donne quelques clés de son parcours personnel et littéraire dans Le Complexe de Caliban (qui paraît aussi chez Bourgois). Du Vietnam à la France, de Sylvia Plath à Cioran, ce récit autobiographique revient sur un trajet qui explique sa complexité identitaire, culturelle et artistique : "Les mots devaient être sa patrie, l'écriture tenait lieu de racines. La grenouille, la métèque, tout ce qui en elle était en procès avec soi et avec le monde trouvait l'apaisement dans la grammaire." YN


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