Caravan

JOANN SFAR (L'Association)


Engloutir les 848 pages du cinquième tome des carnets autobiographiques de Joann Sfar serait, si l'on s'écoutait, l'affaire de deux jours. Ce serait aussi une grave erreur. Pages de croquis, anecdotes hilarantes, considérations brillantes sur le dessin et le regard, digressions autour de la religion, contributions amicales (notamment celles d'un Riad Sattouf en grande forme)... Comme à chaque fois, cette succession boulimique d'humeurs graphiques joue les montagnes russes, passant en un simple coup de crayon de la sphère la plus intime aux interrogations les plus universelles. Auteur de BD le plus passionnant de son temps, définitivement, Sfar arpente avec le même talent les sentiers de l'humour potache, façon vieux potes au comptoir (mémorable passage sur la masturbation), de la tranche de vie familiale ou de l'exégèse philosophique éclairée. Les idées fusent en tous sens, les envies se télescopent et jaillissent du papier, plus communicatives que le rire de Dominique Farrugia. Bien loin du nombrilisme que pourrait engendrer l'exercice autobiographique, Caravan, comme ses prédécesseurs, est une source généreuse qui regarde le monde dans son ensemble, délivrant une pensée euphorisante de pertinence, aussi intelligente que sensible. Une source que l'on n'espère jamais tarie, tant il est bon de s'y abreuver un peu chaque soir, juste avant de fermer les yeux, telle une bible païenne sacrément débraillée.EA


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Autoportrait en vert