L'Armée des ombres

JEAN-PIERRE MELVILLE (Studio Canal Vidéo)


Ô combien attendu par tous les admirateurs du cinéaste, voici enfin la sortie DVD de L'Armée des ombres, sommet de l'œuvre melvillienne. Sommet certes, mais aussi œuvre matricielle, malgré sa réalisation relativement tardive (1969), puisqu'on y trouve la source de son esthétique. On le sait les grands auteurs au cinéma ont souvent des obsessions et toujours un style, mais ils sont aussi travaillés par un sujet. Pour Melville, c'est l'expérience de la Résistance. Dissimulation, méfiance, solitude et code d'honneur, autant de traits communs aux soldats de l'ombre et aux petits truands, les deux figures principales du cinéma de Melville. À cette différence près que le résistant y laisse son image glorieuse, alors que le tueur gagne la dimension d'un héros tragique. C'est ce qui est magnifique dans L'Armée des ombres : la lutte contre l'occupant est aussi lutte contre soi-même, le sacrifice au nom de la patrie est d'abord un renoncement. Pas d'amour, de famille ou d'amitié possible en temps de guerre ; pas même de répit dans la distraction, comme le prouve cette scène magnifique où Ventura, après avoir rencontré De Gaulle à Londres, tente d'oublier dans une boîte de jazz la peur qui le taraude. Mais devant ces jeunes gens qui s'amusent, il ne peut que se murer encore plus dans le silence et la solitude, jusqu'à ce que des bombes se mettent à tomber du ciel, rappel presque libérateur du devoir à accomplir.CC


<< article précédent
Caravan