Au Hasard Balthazar/Mouchette

ROBERT BRESSON (Arte vidéo)


Bizarrement négligé jusque-là par l'édition DVD française (les Américains avaient déjà sorti de luxueuses éditions chez Criterion), Robert Bresson a droit aujourd'hui à un beau tir groupé. D'un côté, MK2 qui publie trois films en coffret, dont l'essentiel Pickpocket, chef-d'œuvre absolu qui aurait mérité une édition isolée. De l'autre, arte vidéo propose deux titres, Mouchette et Au hasard Balthazar, films jumeaux qui décrivent un même chemin de croix : celui d'une adolescente flirtant avec le diable avant de s'en remettre à Dieu et celui, métaphorique, d'un âne témoin et victime de la cruauté humaine. Pickpocket, Mouchette et Au hasard Balthazar offrent un prisme parfait pour cerner le génie de Bresson dans sa première période et quelques pistes pour le dialogue nécessaire avec la seconde. La mise en scène, déjà sûre de ses valeurs (acteurs au jeu apathique, focale unique, découpage refusant la grammaire classique, cadres épurés), ne les a pas encore érigés en dogme ; il y a encore une place pour l'étonnement, le spectacle, le lyrisme et l'émotion. Les scènes de vol dans Pickpocket, le "sacrifice" final de Mouchette ou la chute de l'âne dans Balthazar sont des moments forts de cinéma tout court, et pas seulement de cinéma bressonien. Par la suite, ces moments-là se feront plus rares, jusqu'à disparaître sous une sèche répétition de la syntaxe inventée par le maître, au diapason d'un discours de plus en plus ouvertement réactionnaire. Ce qu'amorce d'ailleurs la vision de la jeunesse comme une bande de voyous sans morale dans Au hasard Balthazar, contemporaine et comparable à celle d'Audiard dans Les Tontons flingueurs. Quand les opposés se rejoignent... CC


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