Désœuvré

LEWIS TRONDHEIM (L'Association)


Lapinot est mort. De cette disparition, Lewis Trondheim ne pouvait sortir indemne et c'est en pleine mid-life crisis qu'il réapparaît en ouverture de Désœuvré, essai graphique inaugurant la nouvelle collection Éprouvette de L'Association. Le postulat de départ est simple : les auteurs de BD vieillissent mal. Digressant à l'envi autour de cette angoisse de la barbe blanche, Trondheim multiplie exemples et contre-exemples au gré de ses rencontres avec ses pairs : drôlissime inventaire des déchéances d'auteurs avec Ptiluc ; étude quasi-scientifique sur les rapports entre dépression et bande dessinée belge par Yvan Deleporte ; ou énergie sexuelle plutôt qu'intellectualisation à outrance pour Sfar et Blain. Quant à la liberté créative rare des auteurs de BD, en opposition par exemple aux lourdes contraintes asphyxiant les cinéastes, elle se voit immédiatement contrebalancée par le danger représenté par l'idée d'être "obligé" de faire quelque chose que l'on aime. "Mais bon, tout ça, c'est des questions pour privilégiés... des trucs enquiquinants pour parvenus..." ; la critique à laquelle l'exercice prête évidemment le flan, Trondheim, pas bête, se l'adresse lui-même, via un chœur apportant une distance salutaire. Un chœur auquel se mêle feu-Lapinot en personne pour livrer sans doute une des clefs les plus importantes de l'histoire en répondant au "D'accord, mais je fais quoi, moi ?" de son créateur par un imparable : "Tu bosses du mieux que tu peux. Voilà." Bien envoyé le macchabée !EA


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Un pedigree