Les Merveilles du monde invisible

DAVID GATES (Éditions de l'Olivier)


Après avoir signé un des grands livres de la littérature américaine contemporaine, Preston Falls, plongée vertigineuse dans la folie ordinaire d'un père de famille loser qui va se transformer peu à peu en brute asociale jusqu'à signer sa propre disparition, David Gates revient avec un recueil de nouvelles. Le souffle se fait nécessairement plus court cette fois-ci (même si chaque micro-histoire de Gates contient infiniment plus de pistes, d'observations et de situations que bon nombre de romans français), mais on retrouve cette écriture totalement innervée qui semble toujours vouloir retourner le cerveau de ses personnages jusqu'à dévoiler tout ce qu'ils cachent, ou se cachent à eux-mêmes, de leurs stratégies d'évitement à leur égoïsme le plus intrinsèque. Avec Gates, ce n'est pas dans une vie qu'on rentre, mais dans une vingtaine de têtes emplies de mauvaise conscience et de pensées trompées, dont le flot de paroles donne autant d'énergie à ces récits à dévorer qu'il trahit en filigrane une situation d'échec. Grand auteur nerveux, sorte de Thomas Bernhard démultiplié qui se livrerait à des portraits collectifs de son pays d'origine (ici l'Amérique des banlieues), Gates traque inlassablement ce qui nous assaille et qui n'existe que dans notre tête, tout ce qui du réel peut nous porter à la panique ou à la dissimulation. Chef d'œuvre de ce bal des losers sévèrement secoué, L'Intrus, ou comment " on ne ressort pas de toute transaction humaine en sentant la rose ". Vous voilà prévenus. LH


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