Les aventures à Law

32 ans, toutes ses (belles) dents : après avoir joué les amants troubles en second rôle, Jude Law, à l'affiche de Closer, joue désormais les beaux premiers à Hollywood. En vain ? Luc Hernandez


Il a commencé par jouer les trouble-fête. Dans Minuit dans le jardin du bien et du mal de Clint Eastwood, il incarnait celui par qui le scandale arrive, un gigolo fourbe, amant de Kevin Spacey qui allait le conduire devant les tribunaux pour meurtre. Rebelote dans Oscar Wilde la même année : en quelques coups de reins bien imprimés, c'est cette fois-ci le grand écrivain anglais qu'il conduit derrière les barreaux en incarnant cette fois-ci ce pervers de Lord Alfred Douglas. La beauté du premier Jude Law est vénéneuse, et derrière le phrasé impeccable de ce Londonien formé au théâtre perce une personnalité plus audacieuse qui n'hésite pas à confier son corps splendide à la science (des metteurs en scène) jusqu'à le disloquer : toujours en 98, il interprétera Jerome Morrow dans Bienvenue à Gattaca, paraplégique magnifique qui se sacrifiera pour sauver son ami des griffes d'une dictature génétique. Adorant contredire son image à la plastique choc, Jude Law et son enveloppe par trop charnelle s'échappent dans la science-fiction : avant le gigolo androïde dans AI Intelligence artificielle de Steven Spielberg, c'est Cronenberg qui lui fera tâter de son humour sexuel dans le monde irréel d'eXistenZ. Lors d'une scène mémorable, il se fera introduire un "bioport" dans le bas du dos par Willem Dafoe en lui chuchotant : "Doucement, je ne l'ai encore jamais fait"... Eastwood, Cronenberg, Spielberg et tout récemment Scorsese (pour Aviator), les seconds rôles de Jude Law ont le sceau des grandes marques et la fougue de l'animalité. Même au milieu du calme (très) plat du Talentueux Monsieur Ripley de Minghella, il suffisait qu'il écarte la cuisse sur une chaise longue et ce godelureau de Matt Damon, qui s'est essayé à la musculation depuis, n'avait plus l'air que d'une moule à la trombine porcine.Soft after WildeMalheureusement, la consécration hollywoodienne du petit prince pervers londonien va sonner la note du conformisme : après l'insipide Stalingrad, Jude Law retrouve Minghella pour Retour à Cold Mountains, sorte d'Un long dimanche de fiançailles version Harlequin où il semble se contenter de revenir de la guerre impeccablement coiffé. Dernièrement, Alfie, flop total aux Etats-Unis comme en France, finit de lisser son image de play-boy sur papier glacé, en y ajoutant une morale lourde comme des bourses pleines, subtilement résumée à la fin du film : "La prochaine fois, réfléchis avant d'ouvrir ta braguette..." C'est plutôt à choisir ses premiers rôles qu'on encouragerait à réfléchir le beau Jude. Tout se passe comme si en passant au premier plan, il avait refusé de jouer les héros, se contentant de jouer les beautés inutiles comme les pépées d'antan. Le contrepoint que suppose un second rôle semble avoir été jusqu'à présent la seule façon pour lui de faire avec une beauté par trop évidente. Espérons qu'il trouve enfin un premier rôle chez un réalisateur de premier rang qui saura rallumer la flamme de ses débuts pour que le feu sacré brille autrement que par son absence.


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