Plongée en eaux troubles

Cinéma / Entre les potentielles bonnes surprises et les films d'auteurs radicaux, 2005 ne devrait pas rougir de la comparaison avec l'excellent cru cinématographique de l'année écoulée. François Cau


On aurait même de singulières raisons de se réjouir dans plusieurs domaines. En particulier celui du cinéma français, dont une poignée de réalisateurs s'aventurent sur des terrains joliment glissants. Nouvelle venue dans le royaume du long, Lucile Hadzihalilovic risque de faire parler d'elle dès son coup d'essai. Monteuse de Carne et de Seul contre tous, génitrice du moyen métrage traumatisant La Bouche de Jean-Pierre, la réalisatrice répand déjà avec Innocence une odeur de soufre, abordant apparemment les sujets les plus tabous de façon frontale. La polémique devrait également accompagner la sortie de Calvaire, électro-choc belge du dernier Festival de Cannes, dans lequel Jackie Berroyer joue à Delivrance avec l'infortuné Laurent Lucas. Au rayon des cinéastes confirmés, on attend avec impatience le nouveau Jacques Audiard, De battre mon cœur s'est arrêté, pour lequel il retrouve Tonino Benacquista, son co-scénariste de Sur mes Lèvres ; Robert Guédiguian s'attaque avec Le Promeneur du Champ de Mars à un sujet tout aussi excitant que casse-gueule : les dernières années de Mitterrand, via ses échanges avec un journaliste. Et l'outsider Xavier Durringer (absent des écrans depuis son excellent J'irai au Paradis car l'enfer est ici) focalise son Chok Dee sur l'univers assez particulier de la boxe thaïe. Le consternant Fureur de Karim Dridi ne devrait plus demeurer la référence française sur le sujet...Les super-héros sont fatiguésHormis quelques exceptions (Elektra, Batman Begins), les héros seront cette année plus humain. Deux bêtes de festival arrivent incessamment sous peu sur nos écrans. Mike Leigh évoque dans Vera Drake (Lion d'Or du dernier Festival de Venise) le sombre destin d'une militante pour l'avortement dans l'Angleterre des années 50, tandis qu'Alejandro Amenabar donne à Javier Bardem le rôle de Ramon Sampedro, militant historique du droit à l'euthanasie dans Mar Adentro. Martin Scorsese y va également de son biopic, mais il joue à n'en point douter dans une autre cour. Dans Aviator, le maestro nous dévoile les années les plus glorieuses du magnat américain Howard Hugues, hésite sans cesse entre le glamour clinquant et l'œuvre torturée que réclamait un tel matériau. On pourra éventuellement se rattraper avec quelques rejetons hollywoodiens non désirés, tels que l'effroyable Todd Solondz (Palindromes), la punk Asia Argento (Le livre de Jérémie), ou encore les géniaux Trey Parker et Matt Stone (Team America). Plus présentable mais tout aussi talentueux, Wes Anderson nous dévoilera sa Vie Aquatique, odyssée sous-marine décalée avec Bill Murray, Owen Wilson, ou le paraît-il hilarant Willem Dafoe. Deux remarques pour finir : il faudra attendre le mois de juin pour se goinfrer de blockbusters dignes de ce nom (le dernier Star Wars, La Guerre des Mondes version Spielberg, ou XXX next level pour les plus courageux) ; et enfin on ne peut que signaler le premier effet du récent durcissement de la censure française, qui vient d'interdire le dernier Michael Winterbottom (9 songs) aux moins de 18 ans.


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