Tu vas rire, mais je te quitte

de Philippe Harel (Fr, 1h37) avec Judith Godrèche, Sagamore Stévenin, Ariane Séguillon...


Pour son neuvième film, Philippe Harel aurait voulu adapter au cinéma Les Particules élémentaires de Houellebecq, après avoir déjà porté à l'écran Extension du domaine de la lutte. Mais les chaînes de télé ont pris peur, même avec Garcia en haut de l'affiche et, faute de producteur, le projet est tombé à l'eau. Du coup, le réalisateur des Randonneurs s'est rabattu sur ce film de commande adapté d'un roman sans intérêt. Et voilà qu'en grand seigneur, il signe d'entrée de jeu une des comédies les plus spirituelles de l'année. Car derrière le personnage d'Elise, comédienne en galère professionnelle et sentimentale, ce sont des illusions bien contemporaines et universelles que décrit Harel. Comme beaucoup, Elise veut que son tour arrive. Pour ça, elle se vend pour tout et n'importe quoi, à commencer parce qu'elle ne veut surtout pas être : la blonde de service. Toujours à se prendre les pieds dans le tapis de son apparence, elle couche comme elle travaille : en se donnant là où elle est sûre de ne pas se faire respecter. Personnage pas très cohérent, elle est en revanche assez représentative d'un opportunisme bien contemporain. Tout en finesse, Harel raconte à travers elle toutes les petites fables qu'on se raconte à nous-mêmes, les fausses vérités qu'on entretient soigneusement pour continuer de se plaindre. Et se paie du même coup une bonne tranche de dérision quant au petit monde du spectacle : l'avant-première des Hommes préfèrent ma femme (sic), la fausse pub pour les yaourts Baby-Bio ("qui sont si bions qu'on ne peut pas s'empêcher de finir le pot") ou le casting pour le festival d'Avignon sont des petits bijoux d'écriture. On aura rarement vu un film réfléchir aussi bien aux images d'aujourd'hui (celles qu'on subit et celles qu'on s'invente), en gardant l'élégance de sa légèreté. Qu'est-ce que ce sera quand Harel retrouvera un projet personnel...Luc Hernandez


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À corps perdus