Linda Lê

In memoriam


BourgoisAvec In memoriam, Linda Lê continue à creuser les obsessions qui l'habitent et qui hantent ses romans depuis de nombreuses années sans pour autant donner l'impression qu'elle écrit toujours le même livre. Cela est sans doute dû à l'incroyable agilité de sa langue, dont l'acuité et l'intensité nous émeuvent à chaque fois un peu plus. Ici, il est à nouveau question de la mort, du suicide, de la folie, de la littérature et de l'exil, à travers trois personnages dont les destins s'entremêlent. Il y a d'abord Sola, une écrivain d'origine libanaise qui vient de se suicider. On découvre son histoire, ainsi que celle de son père, par le prisme d'un journal intime que celui-ci a tenu avant sa mort, et surtout grâce au Tombeau de Sola, un livre que le narrateur lui a consacré. Il y a enfin Thomas, le frère du narrateur, dont la «normalité» avait fini par séduire Sola plus que la folie de son cadet. Chacun son rôle, donc : «Thomas avait été la dernière personne à lui avoir parlé. J'allais être la première personne à parler d'elle. Thomas était le veuf, je serais l'éternel amant, l'homme qui la ressusciterait dans des pages exaltées». On retrouve Linda Lê derrière les trois personnages de ce roman sombre et poignant, livrant avec pudeur les clés d'une biographie marquée par les mêmes blessures que celles de son héroïne. Des plaies qui, contrairement à une idée répandue, ne se referment pas grâce à la magie thérapeutique de l'écriture. Si cela était le cas, Linda Lê en aurait fini depuis longtemps avec ses fantômes... YN


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