Olivier Adam

À l'abri de rien Editions de l'Olivier (218 pages)


C'est la voix sensible, légèrement lointaine de Marie qui raconte. Marie aime regarder. Aime narrer. Ses pensées, ses mots, une subjectivité décalée, nous happe. Elle raconte. Naissance à Calais. Vie d'adulte à Calais. Le silence dans la maison qu'elle habite avec mari et enfants, un endroit où «il n'y a rien à voir». Présence d'une sœur morte, dont elle ne se remet pas : les souvenirs d'anciennes fêtes remontent. Ses deux enfants sont là aujourd'hui, Lucas, le bonhomme adoré, et Lise. Son mari Stéphane est conducteur scolaire. Marie pointe à l'ANPE. Une vie morne, sans perspective, écrasante, dont elle se sent étrangère. Marie charrie ce sentiment d'être décalée à sa vie, pas à sa place. Plus que le sens de sa vie, Marie cherche à retrouver la vie :«Je ne range jamais sauf le soir, juste avant que Stéphane rentre. Il appelle ça du désordre. Moi, je pense que c'est surtout la vie». À côté, Sangatte. Des Kosovars, des Iraniens, des Kurdes, des Afghans, des Pakistanais, des Soudanais «que tout le monde appelait les Kosovars». Sans distinction. Des exilés, des sans-papiers. «La nuit ils dormaient on ne savait trop où, dans les blockhaus, les halls d'immeuble les hangars…». Ils sont battus à mort par la police, pourchassés. Marie rencontre Jallal, un sans-papier. Et, presque sans l'avoir décidé, elle se retrouve bénévole dans le centre. Marie semble flotter, être l'ombre d'elle même, ombre parmi les autres ombres, les damnés de la terre. Loin, d'être un récit au pathos facile et larmoyant, le texte conserve une nervosité une force rare jusqu'à son terme, ultimes pages saisissantes. Olivier Adam écrit un roman d'un sincère humanisme, toujours sensible aux autres, aux voix les moins fortes. Séverine Delrieu


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