Richard Morgiève

Miracles et légendes de mon pays en guerre Editions Denoël (331 pages)


Enthousiasme toujours entier de retrouver la langue de Richard Morgiève : ses inventions verbales, son humour, sa liberté de ton, ses mélanges de vocabulaires et lexiques anciens et contemporains nous réjouissent toujours plus à chaque nouvelle lecture. Fusion qui semble en parfaite adéquation avec le fond de son vingt cinquième texte : dans Miracles et légendes de mon pays en guerre Richard Morgiève livre une histoire à la fois joyeuse - pleine de «Chair et de Chaire» - et désespérante, où les correspondances entre le temps de la deuxième guerre mondiale, et le nôtre, ne manquent pas. Dernière guerre mondiale donc. Temps de l'exode. Saint-Jean, le roi des macs du faubourg Saint-Denis, quitte le quartier accompagné de sa cohorte de prostituées, Roseline, Josette, Fortuna une aveugle flanquée de son nourrisson. Avec ce bébé, Saint-Jean fait chanter un bourgeois. Sur la route, l'enfant meurt. Et sera remplacé par un autre bébé, Pierre, le narrateur du récit, un orphelin. Dans une cité de l'ouest de la France, Beurke, Saint-Jean rouvre un autre bordel, La Rivièra. Des personnages croustillants la peuple : Claude le curé fumeur de gauloise, Pickpock, des pourris, des lâches, les Benz (allemands) les Peugeot (les collabos), des dominés, des écrasés, des résistants, une cours des miracles, mélange d'un univers à la Brueghel et à la Hara Kiri. Parce que les personnages évoluent, sans manichéisme aucun, Morgiève écrit des hommes et des femmes confrontés à l'horreur des fascismes, et des formes de tyrannies. Dernier émerveillement encore du texte : celui de pouvoir s'arrêter sur une phrase, au détour d'un passage, d'une justesse incroyable sur l'âme humaine, ou la situation géopolitique du monde. SD


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Olivier Adam