VIC CHESNUTT

North Star Deserter


Constellation/Differ-antLe Déserteur de Boris Vian se conclut ainsi : «Prévenez vos gendarmes que je n'aurai pas d'armes et qu'ils pourront tirer ». Sur son nouvel album, Vic Chesnutt a beau se présenter comme le déserteur qu'il a toujours été, North Star Deserter est en réalité une montée au front. On l'y retrouve la plume affutée comme un surin et les poches remplies des bombes soniques de l'armée A Silver Mt. Zion. Les orchestrations furieuses des Montréalais (Splendid, Debriefing), qui n'ont jamais si bien traduit le chaos que par la voix désarmante de Vic, le disputent à un dépouillement de morne plaine (Fodder on her Wings, Wallace Stevens). Comme si Chesnutt l'introverti autrefois rongé par la dépression désertait son abri égotiste pour découvrir un monde en ruines. Métaphore inconsciente de ce «mythe de la Frontière», moteur de la conquête de l'Ouest qui n'a jamais cessé de travailler le désir impérieux et morbide de l'Amérique de s'étendre à l'infini. Au-delà même de son territoire et jusqu'à l'autodestruction («Like a pack of necrophilia's... It was fun while it lasted / Now it's all blown away (...) Everything turns to dust»). Pareil à ces Marines d'Irak qui dénonçaient récemment leur condition dans une lettre ouverte, avant, pour certains, de mourir au combat, Vic Chesnutt appartient à une nouvelle catégorie de «déserteur». Sait-on, d'ailleurs, que dans une version non censurée du Déserteur, Boris Vian avait écrit : «Prévenez vos gendarmes que je tiendrai une arme et que je sais tirer» ? SD


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