OKKERVIL RIVER

The Stage Names


Jagjagwar/Differ-antBesoin de reconnaissance ? Désir de faire entendre enfin son brame inimitable ? Sur The Stage Names, Will Sheff, leader d'Okkervil River, libère une énergie étrangement positive, un souffle et un lyrisme inédits. Illusion pourtant que ces arrangements pop et ces cavalcades de piano, car, à l'écoute (ou à la lecture) de ses textes bouillonnants, l'évidence frappe d'entrée : la rivière Okkervil est toujours, comme l'illustre la pochette, un torrent de bile où l'on se noie sous un soleil de contrebande. D'où peut-être ce titre d'album, évoquant les faux-semblants d'une vie sur scène («It's just a bad movie, where there's no crying /.../ It's just a life story, so there's no climax»). Comme si la musique enlevée, lumineuse, cherchait dans l'éblouissement de l'entertainment à brouiller cette image de mouton noir plaintif qui culmina avec l'album Black Sheep Boy. Comme le chante Sheff : «You can't hold the hand of a rock n'roll man». Même si, bien sûr, le naturel en mode mineur, la vérité nue, reviennent au galop sur Title Track qui tombe le masque. Avant l'irréversible abandon de John Allyn Smith Sails, récit du suicide d'un poète, qui s'ouvre littéralement en deux pour laisser surgir, en guise de point final, le Sloop John B. des Beach Boys. Digression rêvée et point d'orgue parfait tant cette liturgie solaire de la fratrie Wilson, tirée d'un incunable folk des Caraïbes, cache depuis toujours l'une des plus belles chansons jamais écrites sur le renoncement. SD


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VIC CHESNUTT