L'Ennemi intime

de Florent Emilio Siri (Fr-Maroc, 1h48) avec Benoît Magimel, Albert Dupontel...


L'ambition de L'Ennemi intime est claire : donner au conflit algérien son grand film de guerre à la fois populaire et conscient, une œuvre qui brasse à égalité action spectaculaire et évocation historique. La présence au scénario de Patrick Rotman (spécialiste de la période) et derrière la caméra de Florent Emilio Siri, cinéaste efficace s'étant fait remarquer avec un premier film très politique (Une minute de silence) paraissait le binôme parfait pour mener à bien ce projet nécessaire. À l'arrivée, le film s'avère pourtant frustrant, alors que L'Ennemi intime possède toutefois de solides qualités, de la mise en scène très réaliste des combats jusqu'à son discours, loin de tout manichéisme. Cela tient à sa façon étrange de survoler ses séquences, de remplir le film de pistes qu'il finit par évacuer sans ménagement, pressé de passer à autre chose. L'attirance-répulsion, passionnante, entre le lieutenant idéaliste et vite dépassé (Benoît Magimel) et le sergent endurci mais surtout meurtri par la violence qui l'entoure comme une malédiction (Albert Dupontel), finit par ressembler à une convention pure et simple de film de guerre, alors qu'il s'agit au final de la vraie raison d'être du film. Mais elle est sans arrêt parasitée par des sous-intrigues (qui a trahi ?), des personnages fonctions (l'Algérien qui a fait Montecasino et qui reste fidèle à l'armée française, l'enfant sauvé du massacre, le combattant du FLN capturé et exécuté) et un désir d'aborder frontalement les questions qui fâchent (la torture, montrée dans toute sa brutale cruauté). Qui trop embrasse mal étreint, et on mesure face à L'Ennemi intime à quel point l'an dernier, Bouchareb et ses Indigènes avaient su marier brillamment fresque guerrière, désir de justice historique et approche complexe des personnages, sans jamais privilégier un aspect plutôt qu'un autre.CC


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