Sa Majesté Minor

Dans «Coup de tête», un footballeur pétait un câble ; vingt ans plus tard, son réalisateur Jean-Jacques Annaud fond une durite avec cette comédie lubrique qui, mine de rien, réactive un certain cinéma populaire français. Christophe Chabert


À la fin de la première bobine, alors que Sa Majesté Minor se cherche encore un peu, Jean-Jacques Annaud s'offre un grand craquage comme on n'en voit pas souvent chez les cinéastes installés. José Garcia, homme-cochon de cette farce mythologique, se fait sodomiser contre une pierre par un Vincent Cassel en satyre à pieds de bouc, le tout dans la bonne humeur - on n'est pas dans Délivrance ! Pour le divertissement familial sympa, il faudra repasser ! D'autant que la suite, haute en couleurs, ménage d'autres moments ahurissants : grande célébration de la virilité à coups d'étuis péniens gigantesques et bien dressés, minotaure de synthèse dont les muscles bodybuildés à l'ordinateur en font le modèle parfait pour une couv' de Têtu spécial mythologie grecque, lancer de discobole très gay friendly entre Garcia et un jeune éphèbe aux dents blanches avec qui il ne pourra échanger le peu chaste baiser dont ils rêvaient - à la place, une giclée de sang qui ressemble foutrement à une giclée de sperme. Et on passe sur la zoophilie incestueuse entre Minor-Garcia et sa maman-truie, pourtant gratinée.Les plaisirs d'AnnaudÀ ce niveau-là, on ne peut que s'interroger : qu'est-ce qui a pu pousser le respectable Jean-Jacques Annaud, dont les films étaient d'une sagesse mortelle depuis les débordements coquins du Nom de la Rose (y compris ce roman Harlequin d'après Duras qu'était L'Amant), à s'offrir cette récréation camp dont même John Waters n'a jamais dû oser rêver ? Qui plus est avec le budget d'une superproduction et l'attirail promo d'un film tout public... On s'en moque, à vrai dire, car Sa Majesté Minor est plutôt un bon film. Pas génial, bourré de défauts, parfois d'une laideur totale, notamment la photo en HD lors des scènes nocturnes. Mais Annaud, en jetant sa gourme, retrouve un appétit de filmer qui lui manquait depuis longtemps. Il retrouve aussi son scénariste Gérard Brach, décédé depuis, moteur dans le grand pétage de plomb du film. Ensuite, il trouve en José Garcia un partenaire de déconne idéal : il est extraordinaire, avec une prestation digne de sa période Canal avec De Caunes, prouvant qu'il n'a pas besoin d'aller faire la gueule chez Gavras ou Wargnier pour être un comédien majeur. Enfin, il y a, dans la gourmandise du récit, l'absence de censure et l'envie d'aller orchestrer des grands carambolages de langage quelque chose qui manquait à la production française : un cinéma populaire mais pas timoré, sincère et gonflé, loin des considérations des costards cravates régissant une industrie souffreteuse. Film malade malgré sa santé affichée, Sa Majesté Minor est un caprice comme Hollywood seul savait jusqu'ici en produire (de Hudson Hawk à Little Nicky).Sa Majesté Minorde Jean-Jacques Annaud (Fr, 1h41) avec José Garcia, Vincent Cassel...


<< article précédent
Si j'étais toi