Berlin Alexanderplatz

La tournée promotionnelle de la version restaurée de Berlin Alexanderplatz, œuvre-somme fascinante mais exigeante de Rainer Werner Fassbinder, s'arrête à l'Institut Lumière du 10 au 13 octobre. François Cau


Cette adaptation du roman d'Alfred Döblin, narrant l'errance d'un ex-taulard qui tente de survivre en pleine République de Weimar, est à n'en point douter l'un des achèvements artistiques majeurs de Rainer Werner Fassbinder, mais précisons-le d'emblée pour éviter tout malentendu : Berlin Alexanderplatz est un film qui se mérite. Une œuvre tournée pour la télévision, en 13 languides épisodes et un épilogue barré (la distinction est importante), dont on pourra découvrir la force visuelle sur grand écran, dans une version restaurée par le centre culturel allemand Goethe Institut. En 2005, ce dernier venait de se mettre en jambes en sauvant le négatif du Cuirassé Potemkine. Chauffés à bloc, les hommes du Goethe Institut constatent que les 16 heures de bande de Berlin Alexanderplatz sont en piteux état, et qu'ils ont justement deux ans devant eux. La restauration est achevée cette année, pour les 25 ans de la disparition du cinéaste. Un soin particulier a été apporté à l'accentuation de la luminosité de nombreuses scènes ; Fasbbinder avait opté pour une image très sombre, des couleurs crépusculaires qui enfermaient son personnage principal, le pathétique Franz Biberkopf, dans des atmosphères de décrépitude sinistre. Le temps détruit toutLe premier épisode de Berlin Alexanderplatz installe directement dans l'ambiance. Scènes à la durée conséquente, dialogues étirés, personnage principal étrangement passif, déboussolé, Fassbinder nous embarque dans une fresque atypique, refuse le lyrisme "feuilletonnant" pour distiller son malaise dans la durée. Franz Biberkopf n'aura jamais la vie à laquelle il aspire, son histoire ne sortira pas grandie de ses correspondances avec l'Histoire. Elle accumule dans une série d'instantanés glaçants les événements a priori aussi sordides qu'anecdotiques, le tout menant à une conclusion désespérée, atrocement lucide. Non content de nous avoir épuisé moralement avec ce récit, achevé par un rire de dément dont s'échappe quelques larmes, Fassbinder nous réserve une surprise de taille dans son épilogue, réinterprétation de l'intrigue en un ultime épisode outrancier, symboliquement chargé. Un dernier segment lourdement décrié, mais sans lequel Berlin Alexanderplatz n'est plus la même œuvre. Une allégorie cauchemardesque, multipliant les visions grotesques, vulgaires, factices, crues, crédibles, toutes superbement mises en scène, pour enfoncer encore plus le spectateur dans l'abîme. Berlin Alexanderplatzde Rainer Werner Fassbinder (1980, All, 15h49) avec Günter Lamprecht, Hanna Schygulla...À l'Institut Lumière, du 10 au 13 octobre,Disponible en DVD chez Carlotta Films


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