VO, la nouvelle politique des auteurs

En comptant le nombre de versions originales d'un film, on peut lire le degré "d'auteurisation" de son cinéaste, faisant des distributeurs et des exploitants les premières instances critiques d'un film... CC


La guéguerre Version Originale/Version Française est depuis quelques années un instrument de la bataille économique que se mènent les circuits et les indépendants. La conversion massive d'UGC Ciné Cité à la VO a ainsi rebattu les cartes (illimitées) et la réouverture du Comoedia a relancé le débat. Au futur Pathé Vaise, on se pose d'ores et déjà la question : VO, VF ou les deux ? Mais derrière ces affaires de "positionnement", il y a aussi une amusante manière de cibler les films en les mettant dans des cases : la VO étant avant tout destinée aux cinéphiles (et, plus minoritairement, aux spectateurs non-francophones), qui détermine alors le potentiel cinéphilique d'une œuvre ? Le distributeur et l'exploitant en premier lieu, mais ceux-ci restent influencés par la critique, qui sacralise un cinéaste, le fait passer au rang d'auteur et prépare ainsi le terrain stratégique pour la diffusion de son film suivant. Du coup, la distribution de ce film vient acter un jugement ô combien subjectif, et donner ainsi à la "politique des auteurs" un fondement autant quantitatif (combien de VO ?) qu'imparablement objectif.Anoblissement et purgatoirePour certains cinéastes, la cause est entendue : Scorsese, Almodovar, Eastwood, Woody Allen ou Tim Burton, cinéastes populaires et auteurs reconnus à peu près unanimement, ont droit à de la VO plein pot (quatre ou cinq par films sur Lyon et sa périphérie), en plus d'un parc confortable de VF. Pour d'autres, la VO only se double épisodiquement de quelques VF : Loach, Jarmush, Lynch sont ainsi logés à cette enseigne. Ça se corse quand on arrive vers des cinéastes aux films génialement impurs, ou carrément étiquetés "films de genre". Le cas le plus ubuesque ces derniers temps fut la surexposition en VO du Boulevard de la mort de Tarantino, tandis que l'autre film Grind House, Planète Terreur de Robert Rodriguez, n'eut droit qu'à un écran dans sa langue d'origine, les VF pullulant comme pour un bon vieux film d'exploitation. Récemment, Judd Apatow s'est vu anoblir par la VO : 40 ans toujours puceau n'avait eu droit qu'à de la VF, mais son nouveau En cloque, mode d'emploi, bénéficiant probablement de l'aura culte du précédent, a eu les honneurs d'une copie en VO. Ce qui n'est pas encore le cas du nouveau cinéma d'horreur britannique : Neil Marshall (The Descent) et Christopher Smith (Creep, Severance) ont dû attendre de longues semaines pour voir leurs films à l'affiche à Lyon avec l'accent british ! Souvent, cette absence de VO est aussi un bon moyen de vérifier la paresse des critiques parisiens : ainsi, si ceux-ci avaient été plus réactifs face à ce grand film qu'était The Devil's rejects, peut-être auraient-ils donné le goût à TFM de lancer Halloween de Rob Zombie avec autre chose qu'une VO unique à... Paris !


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