L'Heure Zéro

de Pascal Thomas (Fr, 1h47) avec Melvil Poupaud, Chiara Mastroianni, Laura Smet...


Défenseurs hardcore de l'œuvre de Pascal Thomas, L'Heure zéro est surtout pour nous une heure de vérité. Car le cinéaste semble aujourd'hui n'en faire qu'à sa tête, et chacun de ses films évolue dans une galaxie à part, à mi-chemin entre Mocky et Chabrol, entre bâclage assumé et vraie maîtrise de la mise en scène. Comme pour Mon petit doigt m'a dit, il adapte Agatha Christie, mais c'est la première fausse piste du film : le "qui a tué" promis est d'abord rejeté sauvagement au profit d'un "quand va-t-on tuer", c'est-à-dire cette fameuse "heure zéro". La réunion d'aristocrates dégénérés dans un grand manoir est l'occasion d'un jeu habile avec le spectateur qui guette façon Cluedo les réactions de chaque personnage. Pascal Thomas s'adonne en sous-main à son sport favori, le brouillage temporel : la cohabitation entre des objets d'aujourd'hui et une conversation très années 50 confère au film une étrangeté séduisante, tout comme l'irruption d'une hystérique bien de son temps (Laura Smet, qui survole un casting inégal) au milieu de bourgeois old school. Mais au moment où cette liberté de ton s'impose au spectateur (dans la douleur, tant le film est aux antipodes des codes de jeu du moment), Thomas se pique soudain de vouloir nous intéresser à son polar. C'est peu dire qu'on s'en fout, d'autant plus que tout ce qui précédait nous avait plutôt orienté dans la voie inverse. Au moins, avec cette moitié de bon film, les choses sont claires : Pascal Thomas n'est pas un raconteur d'histoires, c'est un fantaisiste libertaire, à la fois réac' et révolutionnaire, un fouteur de merde qui adore le confort bourgeois mais pas ses carcans. CC


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