Cow-Boy

Après Les Convoyeurs attendent, Benoît Mariage retrouve Benoît Poelvoorde pour une nouvelle comédie douce-amère ; la comédie est ratée, mais valorise la peinture attachante et jamais méprisante des petites gens belges. Christophe Chabert


Daniel est un petit-bourgeois avachi, revenu de ses idéaux, vivant avec une femme qu'il peine à satisfaire, traînant comme un boulet son métier de journaliste en présentant une émission grotesque sur la sécurité routière. Voulant renouer avec la fougue politique de ses jeunes années, il décide de réunir 25 ans après les protagonistes d'un fait-divers (réel) qui avait marqué la Belgique : la prise en otage d'un bus scolaire par un jeune homme en révolte contre la misère sociale. Mais le "révolutionnaire" est devenu un gigolo obsédé par l'argent et les otages ne veulent pas faire de vagues dans leurs vies étriquées mais dignes.

Le fossé entre ce que Daniel veut obtenir de ses témoins, qu'il met en scène de manière obscène et manipulatrice, et leur désir de conserver la tête haute, quitte à accepter la fatalité sociale, est le principal ressort comique de Cow-Boy. Mais Benoît Mariage se heurte à un écueil : Daniel est un être détestable, hautain, égoïste, aveuglé par son envie irrépressible de s'acheter une conscience. L'abattage dément de Benoît Poelvoorde pour habiter tout le ridicule du personnage n'y change rien ; on n'arrive pas à rire d'un si grand crétin, et tous les gags qui ponctuent les situations ne provoquent que de la gène.

Les Deux mondes

Mais il y a un autre film dans Cow-Boy, vraiment attachant et profondément humaniste, qui ne tient que grâce à sa mise en scène. En propulsant des corps lissés par la fiction (Poelvoorde donc, mais aussi Gilbert Melki, impeccable comme d'habitude) au milieu d'acteurs non professionnels, petites gens de la Belgique pauvre, dépourvus de glamour, Mariage crée un enjeu de cinéma très subtil. Car il suffit d'un plan fixe et respectueux sur ces personnes simples pour les rendre beaux, émouvants, justes et montrer que tous portent en eux une histoire autrement plus forte que celle que Daniel aimerait leur faire raconter.

Pont magnifique entre les deux mondes, François Damiens, d'abord figure hilarante du caméraman glandeur, devient dans la dernière partie celui qui connaît vraiment la valeur des images et de ceux qui les habitent, aussi et surtout car il est cet acteur caméléon qui ne jure jamais dans le cadre de la vraie vie. Mariage, qui a fait ses armes dans l'émission Strip Tease, sait à quel point il est difficile de capter cette vérité du quotidien. Cow-Boy est son discours de la méthode, une fable sur l'art du regard juste, qui culmine dans la dernière scène où Daniel doit se fondre dans son environnement humain, disparaître dans un unisson avec tous les laissés-pour-compte des fictions allergiques à la réalité.

Cow-Boy
De Benoît Mariage (Belg-Fr, 1h36) avec Benoît Poelvoorde, Gilbert Melki, François Damiens...


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