Un théâtre silencieux : l'art d'Edward Hopper

Walter Wells


PhaidonPeintre de la mélancolie, de la modernité désenchantée, de la solitude urbaine, de l'ambiguïté érotique, des rêveries figées dans la pâte du temps et le silence de l'espace, l'américain Edward Hopper (1882-1967) n'a jamais cessé de nous fasciner ni d'entraîner notre regard dans l'abîme de ses énigmes picturales indéchiffrables. C'est justement à les déchiffrer, ou du moins à leur donner un supplément de sens, que s'essaye la belle monographie éditée par Phaidon à travers 240 illustrations de grande qualité et le texte touffu de l'universitaire américain Walter Wells. Ce dernier déconcerte quelque peu nos habitudes françaises d'approche théorique des questions artistiques : dans la droite ligne du pragmatisme anglo-saxon, Walter Wells décrypte les toiles de Hopper en passant du coq à l'âne (avec un chapitrage thématique néanmoins), en entremêlant l'esthétique au détail trivial, l'interprétation subjective au biographique, l'anecdote à la technique picturale, les influences littéraires et artistiques à la psychologie de l'artiste lue à travers Freud ou Jung ! D'où un texte sous forme de boîte à outils, à la fois foisonnant et déconcertant. On y apprécie son style fluide, la lecture concrète et poussée de certains grands tableaux de Hopper, les petites histoires sur la vie et le caractère du peintre (taciturne, misogyne, écartelé entre puritanisme et sensualité...), la mise en dialogue entre les œuvres, mais moins certaines interprétations tirées par les cheveux ou la psychanalyse sauvage utilisée parfois par l'auteur. JED


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