Juno

On va se faire lyncher, mais tant pis : la seconde réalisation de Jason Reitman n'est pas l'œuvre culte annoncée partout, mais juste un divertissement sympathique. François Cau


Juno, ado gouailleuse, a couché avec son meilleur ami plus par jeu que par passion. Quand elle s'aperçoit qu'elle est tombée enceinte, elle renonce rapido à avorter (car après tout, «les bébés ont des ongles») et part en quête d'une famille d'accueil assez cool pour elle... L'attente était démesurée, conséquence d'un coup médiatique savamment orchestré. Une auteur hype (Diablo Cody), remarquée sur le web, qui voit son script adoubé par l'industrie du cinéma indépendant américain et porté à l'écran de façon efficace, avec pléthore de stars du petit écran en options. Un succès surprise au box-office suit les vivats de la presse, et le buzz est lancé, expliquant en partie la déception occasionnée. De fait, comme Little Miss Sunshine, autre phénomène cinématographique au destin similaire, le film de Jason Reitman a tout pour séduire : un générique accrocheur, des personnages atypiques ou forts en gueule campés par des comédiens investis, des dialogues ciselés, des plages musicales bucoliques garnissant une bande originale pop folk (destinée à devenir aussi culte que le film).

Fatalitas

Le film prend soin de créer un univers rempli de gimmicks assurant le décalage permanent, truffe le récit de petits détails installant immédiatement la connivence avec le spectateur, que ce soit dans la direction artistique ou dans la mise en scène. Juno se regarde sans déplaisir, mais la mécanique narrative finit par s'enferrer dans ses systèmes, dans ses poses pas aussi anti-conformistes qu'elles ne semblent le faire croire. On a toujours un peu mal au cœur de constater que le style de Wes Anderson fait florès, l'humanité et l'empathie viscérales en moins, et qu'il est moins reconnu et considéré que ses imitateurs. Bon, maintenant, l'engouement autour de Juno, son plébiscite public et critique partout où il est diffusé a déjà fait l'essentiel du boulot. L'immense majorité des critiques nationaux (même Laurent Weil, c'est dire) lui prédit une carrière à la Little Miss Sunshine, les quelques réserves émises dans ces lignes ne vous empêcheront pas d'aller vous faire votre propre avis, et à la limite, tant mieux. Pour ne pas passer pour des pisse-froid dans cet enthousiasme généralisé, on reconnaîtra au film une vertu : pendant le dernier Festival du Film International de Comédie de L'Alpe d'Huez (où le film a raflé la récompense suprême), au sortir de la projection, on a entendu l'un des jurés, habitué des comédies françaises déclarer : «Bon, ben on a encore du boulot, hein». Si Juno favorise l'émergence d'une telle prise de conscience au sein du landernau cinématographique national, on ne peut que l'en remercier.

Juno
De Jason Reitman (ÉU-Canada-Hongrie, 1h31) avec Ellen Page, Michael Cera...


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