Capitaine Achab

de Philippe Ramos (Fr, 1h45) avec Denis Lavant, Jean-François Stévenin, Philippe Katerine, Dominique Blanc...


Une toison pubienne en gros plan, puis d'autres fragments d'un corps féminin : telle est l'introduction, ô combien symbolique, de ce roman cinématographique en cinq chapitres qu'est Capitaine Achab, libre relecture du Moby Dick de Melville par le Français Philippe Ramos. Premier chapitre : Achab, enfant abandonné, est recueilli par un braconnier bourru qui s'éprend d'une belle ingénue, avant de découvrir qu'elle le trompe avec un peintre vagabond. Chapitre 2 : il atterrit dans une famille de grands bourgeois sévères dont il rêve de s'échapper. Ce qu'il fait en déguisant sa fugue en enlèvement par un brigand recherché. Chapitre 3 : laissé pour mort par des hors-la-loi, à la dérive dans une barque sur un fleuve, il est recueilli par des marins. Jusqu'ici, Ramos fait preuve d'une véritable ambition pour inventer une forme à l'écart des standards français : plans-médaillons, voix-off à contretemps, corps inscrits dans une nature écrasante ou enfermés dans des demeures menaçantes, excellence du casting (dont un surprenant Philippe Katerine). On n'est pas très loin d'un Jesse James français, l'omniprésence de la sexualité en plus. Ramos voudrait ainsi donner une lecture de Melville à la lumière de Georges Bataille ; il n'est pas loin de réussir son coup, mais le film s'effondre lors de son quatrième chapitre. La mise en scène, jusqu'ici aérienne, avance soudain avec des semelles de plomb ; le personnage, devenu adulte, est incarné par le visage grimaçant d'un Denis Lavant peu inspiré, et perd tout son mystère. Quant à la chasse à la baleine finale, elle n'est que le prétexte à un déballage auteurisant qui boucle la boucle en se mordant la queue, appuyant une métaphore pas si fine que ça. Dommage, car ce Capitaine Achab est tout de même un cran au-dessus de ce que le cinéma d'auteur français propose d'habitude.CC


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