Images sans équations

Festival / Avec une constance remarquable, À nous de voir, festival du film scientifique de Oullins, propose chaque année une programmation passionnante et pas aussi ardue que son thème pourrait le laisser croire. Christophe Chabert


Avec À nous de voir, c'est chaque année la même histoire. Il faut faire tomber les préjugés : un festival de films scientifiques ? À Oullins, en plus ? Sur le papier, ça fait forcément un peu peur... Mais voilà, le festival aime autant le cinéma que les leçons scientifiques, et le "thème" des films présentés, même s'il offre ensuite la matière à un débat avec des invités "spécialisés", n'interdit pas de le déborder par une approche d'auteur. Prenons un des programmes les plus stimulants de cette édition... Consacré à l'autisme, il se divise en trois parties : un documentaire de cinquante deux minutes signé Adrien Rivollier traitant de la musicothérapie comme approche communicative pour les enfants autistes (Les Notes au-delà des maux), puis le portrait intime que Sandrine Bonnaire a réalisé sur sa sœur malade (Elle s'appelle Sabine) et finalement une rencontre avec un écrivain (Jacqueline Berger) et un médecin (Anne Visdomine)... De l'objectif de la caméra à l'objectivité du regard scientifique, en passant par la subjectivité du drame personnel, ce programme dessine un cercle parfait qui montre que les regards peuvent se croiser et s'enrichir.Le quotidien extraordinaire
Le regard, c'est d'ailleurs la force de la plupart des films présentés pendant le festival. On retrouve d'ailleurs les documentaires marquants sortis en salles ces derniers mois : La Consultation d'Hélène De Crécy, sur les journées d'un médecin généraliste ordinaire, ou l'implacable Notre pain quotidien de Nikolaus Geyrahlter, une heure trente sans dialogue ni commentaire mais en plans fixes composés au millimètre sur les méthodes de production alimentaire contemporaines. En compétition, signalons aussi la présence de L'Homme sans douleur, documentaire fascinant sur le cas d'Alain Bastien, totalement désensibilisé physiquement après un accident de moto. Mais l'événement du festival, c'est l'hommage rendu à Georges Rouquier. Bien avant Depardon, ce cinéaste pionnier était allé filmer la vie des fermiers français. En 1946 d'abord, avec Farrebique, œuvre mythique à laquelle il donnera une suite, Biquefarre, en 1983, avec les mêmes "acteurs" et sur les mêmes lieux. Attention, films rares, donc séances exceptionnelles. On terminera ce rapide panorama du festival avec sa traditionnelle nuit de la science-fiction, qui s'attaquera aux mondes virtuels avec les œuvres techno-punk de Mamoru Oshii (Avalon) et Satoshi Kon (Paprika) et le très ludique eXistenZ de notre ami Cronenberg, qu'on ne se lasse pas de revoir.


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