Les mélodies du cœur

Musique / Le même soir, à une quarantaine de kilomètres de distance, affrontement au sommet entre les favoris Pinback et le challenger Gravenhurst : un combat où l'uppercut s'appelle spleen mélodique. Christophe Chabert


L'actualité des concerts rock s'emballe cette semaine, mais se disperse aussi : le même soir, 16 novembre, Le Clac-son à Oullins dégaine sa date-clé de la saison en la personne de Gravenhurst, et Les Abattoirs à Bourgoin-Jallieu proposent une prestation inattendue des rares (et chers à nos cœurs) Pinback. Hors concomitance de calendrier, ces deux formations ont plus d'un point commun, notamment une certaine quête mélodique qui a fait la marque des plus anciens (Pinback) et qui pourrait devenir celle du petit nouveau (Gravenhurst). C'est en effet par la mélodie qui tue que Pinback s'est imposé dès ses premières chansons : Zach Smith et Rob Crow, les deux membres du groupe, n'ont pas attendu longtemps pour être adoptés par une communauté grandissante de fans transis. This is a Pinback CD, proclamaient-ils en titre de leur premier opus, entre modestie et évidence. Un CD de Pinback, ce sont des chansons trempées dans la mélancolie que le duo travaille par un enchevêtrement sophistiqué de mélodies, comme un boléro où les diverses couches vocales (du lead aux chœurs) y auraient le même rôle que les guitares ou les claviers. Leurs deux derniers disques, Summer in Abaddon et Autumn of the seraphs, semblent dessiner les premiers volets d'une quadrilogie des saisons. L'été était marqué par les souvenirs ramenés de voyage (d'ailleurs, de Tripoli à Syracuse en passant par... Lyon, les titres de leurs chansons ont toujours fait figure de "bons baisers de..."), l'automne rattrape le temps et se réchauffe au présent et à l'électricité. On mégotera en disant que la musique de Pinback ne se renouvelle pas vraiment de disque en disque... Mais ils nous avaient prévenus : ceci est un CD de Pinback, pas autre chose !Horloge magiqueDe son côté, Nick Talbot, alias Gravenhurst, aura attendu son deuxième album pour trouver sa voie parmi la nouvelle génération de songwriters. Signé sur un label qui a fait les beaux jours de l'électro intelligente avant d'élargir considérablement son champ d'action (Warp), ce jeune Anglais nous a pris à revers en s'inscrivant dans une filiation peu revendiquée : celle d'un rock où mélodie et bruitisme peuvent faire bon ménage. Gravenhurst, avec le beau The Western lands, s'affirme ainsi comme le digne descendant de Sonic Youth et Yo la tengo, deux groupes chez qui le fait de créer un mur du son n'a jamais interdit de le percer avec des chansons majuscules. Pour Nick Talbot, cette chanson s'appelle Hourglass : un moment de plénitude musicale entre chien et loup, que l'on ne peut écouter sans en avoir des frissons sur tout l'épiderme. Juste pour ce sublime morceau, Gravenhurst fait figure de révélation en cette rentrée plutôt trustée par des valeurs sûres...PinbackAux Abattoirs (Bourgoin-Jallieu)GravenhurstAu Clac-son (Oullins)Vendredi 16 novembre 2007


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Quatre garçonnes dans le vent