Une bande de fauves

Expo / Le Musée Dini se penche sur les premières années de création (1900-1930) du peintre Jean Puy, marquées par ses amitiés avec des artistes illustres : Matisse, Marquet, Manguin et Camoin. Jean-Emmanuel Denave


Jean Puy (né à Roanne en 1876, mort dans la même ville en 1960) est un peintre un peu tombé dans les oubliettes de l'histoire de l'art, et force est de constater que la seconde partie de sa carrière n'a guère de quoi défrayer la chronique artistique. Le «jeune» Jean Puy, quant à lui, formé à l'Ecole des Beaux-Arts de Lyon et tôt émigré en terres parisiennes, fut pourtant au cœur des mouvements d'avant-garde de la Belle Époque, participa à la grande aventure Fauve et signa entre 1900 et 1930 plusieurs toiles étonnantes. C'est à l'atelier de Gustave Moreau, puis à celui d'Eugène Carrière, qu'il lie de solides amitiés avec quelques-uns de ceux qu'on nommera plus tard «les Fauves» : Matisse, Marquet, Manguin et Camoin. Influencés d'abord par le divisionnisme de Signac, les jeunes allumés du pinceau se débarrassent vite de sa rigueur rationaliste pour halluciner des paysages roses ou violets, des chevelures bleu-rouge, des chairs verdâtres ! Ils dynamitent aussi la perspective, osent les contrastes les plus improbables et la couleur pure, insufflent une telle tremblote à la figure humaine (via une touche vibrionnant) qu'elle s'efface parmi la matérialité picturale ou l'espace environnant. Les compères peignent ensemble, exposent ensemble, correspondent entre eux, partagent ateliers et modèles féminins... Une émulation-ébullition qui conduira Jean Puy à signer quelques petits chefs-d'œuvre, notamment entre 1900 et 1910.Le «tub» de Jean PuyL'exposition du Musée Dini rassemble soixante-dix toiles et dessins de l'artiste Roannais mises en perspective avec plusieurs œuvres de Matisse (des dessins uniquement), Marquet, Camoin ou Manguin. Le parcours, agréable et sobre, égrène différentes salles thématiques : autoportraits, portraits, nus féminins, vues de Paris, marines, paysages... On y picore du regard, ici et là, de forts beaux tableaux... Le portrait très cézannien de Marquet par Camoin ; La Petite Italienne de Manguin aux couleurs osées et vibrantes ; les portraits féminins de Camoin où la touche se fait aventureuse et la réserve créatrice. Du côté de Jean Puy lui-même, on retient sa Femme endormie telle une sculpture pierreuse ; sa poignante Petite Faunesse dormant ; sa Voile bleue désarmante de simplicité... Et surtout, clou de l'exposition, sa Femme au Tub de 1906 où se découpe la silhouette nue et brune d'une jeune femme en contre-jour. Le tableau fait penser à Bonnard bien sûr, mais saisit surtout par ses audaces de couleurs et de lumières, mettant sous tension la représentation humaine prise en étau entre figuration et abstraction, figuration et «défiguration». Une tension caractéristique de l'aventure de la Modernité artistique, toujours stimulante et féconde aujourd'hui.Jean Puy, une amitié artistique, 1900-1930. Matisse, Marquet, Manguin et Camoin Au Musée Paul Dini à Villefranche-sur-SaôneJusqu'au 10 février


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