Shopping & Fucking, acte 2


Critique 2 / Simon Delétang reprend aux Ateliers sa mise en scène réussie de Shopping & Fucking de Mark Ravenhill. Méconnu en France, ce dernier fait partie du groupe de dramaturges anglais qualifiés d' «In Yer Face Theatre» («théâtre d'en pleine gueule» : Sarah Kane, Howard Barker, Steven Berkoff...). Leur credo : du théâtre cru, cul, dérangeant, socialement critique voire trash jusqu'au grincement des cintres et du public. L'adaptation de Shopping & Fucking par Thomas Ostermeier avait d'ailleurs fait scandale au Festival d'Avignon en 1996... Simon Delétang a choisi une voie alternative plus «soft», prenant un peu de distance avec le texte (par le biais notamment d'une voix off dictant les didascalies de l'auteur, et avec laquelle les comédiens s'amusent, acceptant de les appliquer ou pas), évitant que les personnages ne se résument à de simples caricatures éructant, tout en préservant la force corrosive du texte et son énergie brute. Concrètement, la pièce nous plonge dans une Angleterre post-Thatcher déglinguée, avec Mark un homosexuel en cure de désintoxication chimique et sentimentale, Lulu et Robbie un couple de paumés acheté par Mak dans un supermarché (!), Garry un prostitué et Brian un dealer sadique (l'excellent Thomas Poulard). Ici, sur un plateau peint à l'effigie du drapeau anglais et entre quelques poutrelles métalliques, on vend sa grand-mère pour une bière, la viande humaine comme l'amour se dealent au même titre qu'un cachet d'ecstasy... Dans cette société où trônent l'argent et le Roi Lion, où tout le monde patauge dans une obscurité morale quasi totale, chacun cherche néanmoins à tâtons un peu d'amour, un père, une lueur de générosité, un rêve d'enfant, un petit supplément d'âme... C'est sur cette dimension de la pièce qu'insiste la mise en scène de Delétang, pleine de tact et de petites trouvailles cheap, bourrée d'humour et servie par de bons acteurs. Jean-Emmanuel DenaveShopping & Fucking de Mark Ravenhill, ms Simon DelétangAu Théâtre Les AteliersJusqu'au 26 octobre


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Le grand come-back ?