Sharon pas stone

Musique / La diva Sharon Jones est de retour avec ses Dap-Kings au Ninkasi Kao avec un troisième album : du neuf avec du vieux, de la soul avec de l'âme, du plaisir en perdant beaucoup de calories. Christophe Chabert


Mais comment font-ils ? Ont-ils un freezer musical ? Ont-ils récupéré les planches des studios de la Motown pour les reconstituer dans leur jardin ? Et Sharon Jones, a-t-elle été cryogénisée pendant 40 ans avant de revenir à la vie civile sous les traits d'une fraîche chanteuse de soul mettant toutes les aspirantes chanteuses de r'n'b au niveau de candidates misérables du Popstar version Ophélie Winter ? Beaucoup de questions pour une évidence : la musique de Sharon Jones et de ses Dap-Kings montre que la soul des années 60 est une musique indémodable, si tant est qu'on la tient en dehors des modes. Car la réussite de cette petite entreprise qui fête cette année la sortie de son troisième album repose en grande partie sur une reproduction à l'identique de l'esprit des plus grands classiques de la période. Même richesse des arrangements, même profondeur du son, mêmes performances vocales, mêmes chansons délicieusement impies prônant le plaisir la bouche pleine de suc et de sève vitale. Jusqu'au design des pochettes, imitation à s'y méprendre des 33 tours qui, aujourd'hui, font rugir d'envie tous les collectionneurs s'écharpant à coups d'enchère sur eBay.Sans contrefaçonComment, dès lors, un tel projet a-t-il pu passer les barrières de la douane critique, sévère avec les contrefaçons, même remarquables ? Peut-être grâce à Sharon Jones elle-même, cet impressionnant grand bout de femme dont la voix démente et l'énergie sans limite ne doit rien à un quelconque calcul - à l'inverse d'une Lily Allen ou d'une Amy Winehouse qui, comme par hasard, ont tenté de lui subtiliser ses Dap-Kings ! Née au même endroit que James Brown (Atlanta, Georgie, USA), elle a suivi, comme Aretha Franklin, la voie (voix ?) du gospel avant de tomber la tête la première dans la grande marmite soul. Autant dire que plus qu'une copie, c'est un éternel retour qu'incarne Sharon Jones : celui d'une musique qui produit instantanément des classiques, qui appartient à un folklore (au sens le plus noble du terme), définit une identité et autorise la fierté de la revendiquer. Quant à ses musiciens, blancs dehors mais complètement noirs dedans, ils s'approprient une musique dont ils ne sont pas les héritiers directs, mais les dépositaires fervents. C'est ainsi qu'il faut écouter 100 days, 100 nights : comme un répertoire de nouvelles vieilles chansons dont la recréation en live autorise toutes les improvisations, standards libres de droits dont seuls leurs auteurs possèdent les partitions et que la voix de Sharon Jones propulse au nirvana, au firmament ou à n'importe quel sommet d'extase et de jouissance. Vous étiez peu nombreux lors de sa précédente venue au Ninkasi. Cette fois, toute absence sera sévèrement punie !Sharon Jones and the Dap-KingsAu Ninkasi Kao jeudi 18 octobre«100 days, 100 nights» (Ter à terre/Discograph)


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