Les mots pour le dire

Rencontres / La Villa Gillet ouvre sa saison par une soirée consacrée à la rentrée littéraire avec la venue de cinq écrivains français dont on n'a pas fini de parler : Clémence Boulouque, Vincent Delecroix, Louise Desbrusses, Éric Reinhardt et Olivia Rosenthal. Yann Nicol


Les cinq écrivains invités lundi 8 octobre ont pour mission de choisir un mot-clé susceptible de symboliser leur dernier roman. On leur souhaite bonne chance, puisque les cinq livres présentés, bien que très différents, ont en commun de reposer sur une structure narrative stratifiée et complexe qui s'accommode fort mal des raccourcis. C'est peut-être Éric Reinhardt qui aura la partie la plus facile. Le titre de son roman, Cendrillon, a tout de la porte d'entrée idéale pour introduire ce récit gigogne qui se permet des détours par la finance internationale, le monde de l'entreprise, la classe moyenne et la bourgeoisie de gauche pour finalement livrer une vision du monde transcendée par le culte du présent, l'enchantement amoureux et la poétisation de l'existence. L'exercice est plus délicat en ce qui concerne le dernier roman de Clémence Boulouque, Nuit ouverte, qui met en scène la figure de Regina Jonas, première femme rabbin au monde dont le destin singulier s'acheva tragiquement à Auschwitz en 1944. L'héroïne de ce texte, une jeune comédienne pressentie pour incarner cette femme à l'écran, voit en ce rôle un moyen d'exorciser les fantômes traumatisants d'une famille au passé collaborationniste. Un livre intense aux enjeux importants, dont le mot clé pourrait être la "culpabilité". Famille, angoisse, variations"Famille". Tel pourrait être le mot choisi par Louise Desbrusses pour présenter Couronnes, boucliers, armures, un roman dans lequel l'auteur de L'Argent, l'urgence retrace la journée infernale de deux jumelles et de leurs mères au sein du clan paternel. Animé par une langue cinglante, bourrée d'intelligence et d'humour, ce livre montre avec beaucoup de subtilité l'oppression familiale et la difficulté à s'en extraire... De famille, il est aussi question dans le livre D'Olivia Rosenthal, même si On n'est pas là pour disparaître est avant tout un roman sur l'"angoisse" : de la maladie, et notamment celle portant le nom du docteur Alzheimer, qui est au centre de ce livre, mais aussi de la mort des êtres chers qui, bien sûr, préfigure la nôtre ("c'est compliqué / d'accepter la mort / de ses parents / de ses amis / et bientôt la sienne"). Construit à partir d'un fait-divers, le récit multiplie ensuite les points de vue autour de la maladie de A. et constitue au final un texte intime et profondément «interactif» puisque le lecteur a la sensation paradoxalement libératrice de marcher, main dans la main avec l'auteur, au bord du précipice. Le dernier mot-clé pourrait être "variations" : celles que Vincent Delecroix nous propose autour de cette mystérieuse Chaussure sur le toit avec l'érudition, la fantaisie et l'élégance qui caractérisent cet écrivain philosophe spécialiste de Kierkegaard. Pour connaître leurs choix, et découvrir cinq des romans les plus aboutis de cette rentrée littéraire, rendez-vous donc à la Villa Gillet lundi 8 octobre. En espérant qu'ils ne nous en voudront pas de nous être prêtés à ce petit jeu.Vu d'ailleurs : la rentrée littéraire française devant la critique étrangèreÀ la Villa GilletLundi 8 octobre à 19h30


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