Le spectacle qui tenait dans une 2 CV

Entretien / Voix rauque, cigarette à la main et sourire amusé dans l'œil, Bruno Boëglin remonte sur les planches avec Trop humain, au Théâtre de l'Élysée. Rencontre (formidable) et présentation du spectacle. Propos recueillis par Dorotée Aznar


Que nous vaut votre présence au Théâtre de l'Élysée où l'on a plutôt l'habitude de découvrir le travail de jeunes metteurs en scène ?
Bruno Boëglin : Nous avons en quelque sorte «ouvert» ce théâtre, il y a une dizaine d'années, mais rassurez-vous nous n'allons pas le fermer. Ma présence ici est due à un certain nombre d'éléments. Je voulais, avec le Novotheatre, faire ! Poca madre !, la suite de Gracias a Dios. Malheureusement, nous n'avons trouvé aucun coproducteur, nous avons été confrontés à la frilosité des directeurs de théâtre. Pour être exact, le Théâtre National Populaire avait accepté de co-produire le spectacle, mais pour des raisons inconnues, l'événement n'est pas apparu dans la programmation. Donc il fallait bien faire quelque chose ; nous ne sommes pas payés pour jouer les VRP de nos spectacles. Par conséquent, on s'est dit qu'il fallait faire un spectacle pas cher. Pour augmenter nos chances de le vendre, Dominique Bacle, mon collaborateur artistique et moi, nous avons dit que le spectacle tenait dans une 2 CV... (Ce qui n'est d'ailleurs plus tout à fait vrai... Une 2 CV camionnette plutôt...) Bref, nous voici donc de retour à l'Élysée.Votre spectacle est une lecture de textes de Westlake ?
En fait, c'est plutôt un assemblage de textes. L'idée vient de Dominique Bacle qui a découvert que dans certains livres de Westlake, John, le personnage principal me ressemblait fortement. John est quelqu'un qui est très agacé par les technologies modernes comme le téléphone... C'est personnel, mais je hais les «lectures», les «mises en espace» ; mon spectacle, c'est du théâtre avec un acteur. Quand on dit un «monologue», on imagine un mec qui va nous faire chier pendant deux heures avec un tas de feuilles lues, un de tas de feuilles pas encore lues, et le deuxième tas qui ne diminue jamais. Avec Trop humain, je pense qu'on oublie vite la lecture, certains passages sont lus, d'autres joués, d'autres commentés... Il y a aussi des lumières magnifiques et une bande son très importante...Westlake est un écrivain qui se consacre à la littérature policière. Sur une photo, on vous voit déguisé en parrain, cigare aux lèvres. Retrouve-t-on cette ambiance de polar dans votre spectacle ?
Juste dans une partie où j'incarne une sorte de mafieux répugnant. Vous savez, c'est étonnant, j'ai rencontré Westlake - enfin, je l'ai vu puisque je ne lui ai pas parlé - et j'ai été très étonné. Il y a une telle dichotomie entre l'homme et ses romans ! Il ressemble à un prof d'histoire-géo avec sa petite sacoche... Cela m'a beaucoup plu et beaucoup intrigué, on ne l'imagine tellement pas vivre ce qu'il écrit. Il faut se méfier de la tête des gens. Quels sont les thèmes abordés dans le spectacle ?
Le monde d'aujourd'hui, en passant du coq à l'âne : la drogue chez les jeunes, le chômage aux États-Unis, les reliquats répugnants de la colonisation en Afrique, l'ONU, l'obésité, le terrorisme... Dans cette pièce, vous êtes un ange d'un genre un peu particulier...
Oui, un ange envoyé sur terre pour aider les hommes à s'autodétruire plus rapidement. Dieu en a jusque-là des hommes, il vaut les aider à disparaître. Je suis donc un ange qui endosse parfois le rôle de journaliste, qui devient les personnages eux-mêmes ou fait des petits commentaires acides mais jamais triviaux.Les sujets abordés sont graves, le spectacle l'est aussi ?
Non, cela parle du monde plus que de la destruction du monde, et sur un ton humoristique. L'humour est très important même si le propos est désespéré.Trop humain
Jusqu'au 27 octobre à 19h30, sf dim et lun
Au Théâtre de L'Élysée, 14 rue Basse Combalot, Lyon 7e (04 78 58 88 25)


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