Faites vos jeux !

Zoom / La Biennale d'art contemporain ouvre ses portes cette semaine. Petit retour sur le déroulement de son montage, son esprit, ses règles du jeu complexes et les artistes attendus... Jean-Emmanuel Denave


À l'heure où vous lisez ce journal débute la 9e Biennale d'art contemporain de Lyon, l'événement culturel de la rentrée. Mais à l'heure où nous bouclons ce numéro rien ou presque n'est encore visible (nous y reviendrons longuement la semaine prochaine), et voici à quoi ressemble à J-7 la Sucrière, l'un des principaux lieux d'exposition : un vaste écrin quasi immaculé, aux espaces reconfigurés en fonction des desiderata des artistes, jonché de grandes caisses arrivées des quatre coins de la planète, hanté par le petit peuple silencieux et concentré de l'équipe technique qui pose ici un écran, là une rampe de projecteurs, recouvre inlassablement les murs de peinture blanche. Thierry Prat, régisseur artistique général, a le teint pâle mais affirme que tout se passe bien. Stéphanie Moisdon, co-conceptrice de l'événement avec Hans Ulrich Obrist, s'affaire autour des grands totems composés de sacs de golf de Brian Jungen... L'accrochage des œuvres proprement dit ne prendra que quelques jours après cette longue mise en place et en espace. Seules quelques œuvres monumentales sont déjà réalisées : l'immense balançoire (un «tape cul» de 15m de long) du Chinois Liu Wei qui nous accueille devant le bâtiment ; le blockhaus de Jennifer Allora & Guillermo Calzadilla où seront diffusés des marches militaires, les chansons fétiches des GI's au Vietnam ou encore Born in the USA de Springsteen sur l'air duquel on torturerait à Guantanamo... Biennale d'anticipationAu regard de ces maigres indices et à la lecture de la liste d'artistes annoncés, on devine une biennale plutôt jeune, engagée politiquement et friande d'utopies communautaires transversales, dotée d'un certain sens de l'autodérision (la balançoire de Liu Wei renvoie à l'idée de parc d'attraction), féminine, cosmopolite, avec un grand nombre d'artistes méconnus qui effectueront là leur première exposition importante. D'ailleurs, les deux concepteurs de l'exposition découvriront en même temps que le public, ou presque, une grande partie des oeuvres exposées ! C'est là une des bizarreries fondamentale de cette édition 2007... Stéphanie Moisdon et Hans Ulrich Obrist ont en effet mis en place une sorte de jeu, désignant deux cercles de joueurs : une cinquantaine de commissaires devant répondre à la question «Quel est l'artiste ou l'œuvre qui occupe selon vous une place essentielle dans cette décennie ?» ; et une quinzaine d'artistes censés réaliser un projet définissant la décennie en cours. But du jeu ? Écrire à plusieurs mains «l'histoire d'une décennie qui n'est pas encore nommée» (2000-2010) ! Prise de chou ou prise de risque amusante : il faudra en juger sur pièces. Quelques-unes sont particulièrement attendues : celles de Michel Houellebecq, du chorégraphe Jérôme Bel, du vieux photographe d'adolescentes floutées David Hamilton, du cinéaste chinois Jia Zhang-Ke (réalisateur de The World), de Saâdane Afif, Pierre Joseph, Rikrit Tiravanija...00's L'Histoire d'une décennie qui n'est pas encore nommée, Biennale de Lyon 2007 (www.biennale-de-lyon.org)Jusqu'au 6 janvier


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Trop... c'est bien (parfois)