Kirikou n'est pas grand

Comédie musicale / Sans surprise, l'adaptation scénique de Kirikou est une déconvenue, où les compromis, visibles, ne débouchent que sur des approximations, gênantes. Christophe Chabert


Rappel des faits : devant le succès de Kirikou et la sorcière, une poignée de producteurs dont l'emblématique Victor Bosch, à qui l'on doit déjà le fameux Notre Dame de Paris, se sont dits : «Putain, les Américains, ils ont fait Le Roi Lion en comédie musicale, pourquoi nous on ferait pas pareil avec Kirikou ?». Pour faire passer la pilule auprès de son créateur Michel Ocelot, pas très chaud pour remettre le couvert sur un personnage qu'il a déjà beaucoup décliné, ladite comédie musicale a été parée de cautions culturelles indiscutables : un chorégraphe ayant séduit le monde de la danse contemporaine (Wayne MacGregor), des musiciens dont la qualité est reconnue (Youssou N'Dour, Rokia Traoré) et Ocelot himself au livret et au design général de l'ensemble. En même temps, Kirikou et Karaba répond au cahier des charges de toute comédie musicale : bande son en playback, numéros dansés en costumes s'intercalant au milieu de l'action, frontalité des interprètes face au public lors des chansons... Bref, la schizophrénie du projet était criante sur le papier, entre opération tiroir-caisse et supplément de qualité made in France.Kirikou et KabaréBizarrement, devant le spectacle, c'est un tout autre dilemme qui s'installe, compromis visible entre une fidélité asphyxiante au film original et la tentation de lui inventer un style scénique propre. D'un côté, la narration reprend au mot près celle de Kirikou : dialogues inchangés, histoire identique jusque dans ses moindres détails et, plus encombrant, reprise exacte des partis pris figuratifs du dessin animé, jusque dans la marionnette de Kirikou, plutôt bien dirigée mais qui clone sans imagination l'enfant du film. De l'autre, le spectacle est comme gonflé artificiellement aux hormones d'un cabaret qui ne souffre pas l'approximation. Elle est pourtant criante sur scène : les chorégraphies sont pauvres ou mal réglées, les costumes, surtout dans la deuxième partie, d'un ridicule gênant (les écureuils ou le phacochère ne sont même pas dignes d'une attraction Eurodisney). Encore plus bizarre, la fin devient un sommet d'homoérotisme qui devrait faire frémir la frange conservatrice du public ! On a beau tourner le problème dans tous les sens, il n'y a vraiment pas d'issue : quand le spectacle reproduit le film, il se regarde tout en se demandant quel est l'intérêt quand on peut se repasser le DVD chez soi... Quand il y rajoute des choses, il est incapable de les relier harmonieusement avec le reste. Vient donc la conclusion, amère : Kirikou et Karaba n'est qu'un produit commercial où la sincérité des participants est rattrapée par le cynisme du projet. On nous dira que de nos jours, ce cynisme mercantile est partout. Ce n'est pas une raison pour lui vendre notre âme (d'enfant)...Kirikou et KarabaÀ la Maison de la DanseJusqu'au 24 septembre


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