RICHARD HAWLEY

Lady's Bridge (Labels)


Dans Ecce Homo, au chapitre «Pourquoi j'écris d'aussi bons livres», Nietzsche vante la «solitude azuréenne» dans laquelle vit Ainsi parlait Zarathoustra (sous entendu, à côté, Goethe et Dante, c'est du caca de bouquetin). C'est ce genre de solitude qui frappe les disques de Richard Hawley : ils peinent généralement à rencontrer à la fois leur public (aux abonnés absents depuis toujours) et des rivaux dignes de ce nom. Mais l'ancien guitariste des Longpigs et de Pulp s'accommode aussi bien de la solitude que de l'azur. De la solitude car elle est l'apanage tragique et paradoxal des crooners. De l'azur car, une fois encore sur Lady's Bridge, sa musique tutoie la Sainte Trinité de la liturgie pop : le romantisme de Purgatoire de Scott Walker (Valentine, Our Darkness, hymnes de pompier pyromane aux arrangements inflammables), les homélies en sucre de Burt Bacharach (la chorale céleste de Tonight the Streets are ours), ou les diableries country-rockabilly du regretté Lee Hazlewood (Dark Road, chanté à la manière d'un Johnny Cash sirotant des cocktails au bord du Styx). La force de cet Anglais de Sheffield est peut-être de ne pas choisir entre maniérisme british amidonné à la meringue, accents Northern Soul et formule laid back à l'américaine, les tiags sur le bar, à susurrer des trucs comme I'm looking for someone to find me. Mais son Lady's Bridge, pont entre les époques et les paysages de 50 ans de musique pop, est perché beaucoup trop haut pour qu'Hawley puisse espérer y être déniché. SD


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