Les pieux du stade

Théâtre / Pour cette reprise de leur création de 1995, Michel Belletante et Nino D'Introna nous livrent un spectacle "viril, mais correct". François Cau


Petite discussion en préambule du premier filage de cette mouture 2007 de Vestiaires. Michel Belletante et Nino d'Introna évoquent les raisons qui les ont poussées à remettre au goût du jour cette création plus d'une décennie après sa naissance. Il y a bien évidemment la passion du rugby, héréditaire chez le metteur en scène ; le contexte de l'actuelle Coupe du Monde (même si le premier match des Français a violemment refroidi les ardeurs d'un public qui ne demandait qu'à succomber aux joies de l'émulation collective, mais bon, on ne peut pas tout prévoir non plus) ; et l'envie de parfaire les angles d'un spectacle qui certes exhalait l'amour et la tendresse de ses maîtres d'œuvre pour l'Ovalie, mais qui dans sa forme d'alors les laissait sur leur faim. D'où correction de tempo, (légère) mutation des problématiques sous-jacentes - le sport est entre-temps devenu un business médiatico-mercatique à part entière -, et renouvellement de la majorité du casting histoire d'apporter une fraîcheur de regards bienvenue. Passés les préliminaires discursifs, il est l'heure d'affronter le show. Soit une équipe jouant le match de la dernière chance à domicile : selon une série de chorégraphies liminaires, les joueurs s'installent avec fracas, dévoilent de façon lapidaire leur personnalité (triviale, joueuse, jalouse, colérique, orgueilleuse...), puis se recueillent tête baissée face aux admonestations du coach. Puis vient le moment d'entrer sur le terrain.Requiem pour troisième mi-temps burnée
Les meilleures scènes du spectacle sont largement celles qui chorégraphient les rituels de cette discipline singulière. Qu'il s'agisse de l'installation collective du décor, d'un début de bagarre, de recréations quasi abstraites de mouvements clés (mêlées ou touches), des changements de tenue des joueurs ou de leur séance de massage émaillée de râles puissants (séquences apparemment destinées aux fans d'un certain calendrier...) ou enfin d'une spectaculaire exécution du célébrissime Haka des All Blacks, la mise en scène parvient à insuffler ce qu'il faut de dramatique dans ces mouvements corporels communs pour faire éclater au grand jour la légitimation scénique du spectacle. Mais quand celui-ci se raccroche à une trame narrative secondaire pas assez développée, l'intérêt faiblit. D'autant que pour être honnête, l'exacerbation de la virilité de ces sportifs sur la sellette, faisant exploser leur trop plein de testostérone pour évacuer la tension galopante, aurait plus tendance à effrayer le spectateur novice qu'à le rallier aux fondamentaux implicites de ce sport où l'on se met de grandes tartes dans la gueule pour s'encourager, où l'on fait bouffer du gel douche aux petits nouveaux, où les blagues graveleuses sont un signe de force. Au finish - c'est un avis de non-sportif - on a affaire à un spectacle à l'image des desideratas de l'hilarant arbitre, "viril, mais correct".


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La Dernière fanfare ?