Folle soirée

Opéra / Les Noces de Figaro, Opéra de Mozart, livret de Lorenzo da Ponte d'après la pièce de Beaumarchais La Folle Journée ou le mariage de Figaro est une succession de tubes joyeusement mis en relief par toute l'équipe de cette production. Pascale Clavel


En une soirée sous nos yeux, c'est une folle journée qui se déroule : l'action commence au petit matin et se termine le soir de cette même journée. Là, s'ébattent, se débattent une ribambelle de personnages mus par des désirs fous, remplis de sentiments paradoxaux. Figaro, serviteur du Comte Almaviva, prépare son mariage avec Suzanne la servante lorsqu'il apprend que le Comte la poursuit de ses assiduités. Bartolo et Marcellina complotent de leur côté pour que Figaro épouse Marcellina. Un jeune page Cherubino est secrètement amoureux de la Comtesse et celle-ci se languit de son Comte qui ne pense plus à elle. Après maints rebondissements, déguisements, faux-semblants et coups de théâtre, tout finit dans la joie. Pour ceux qui ne sont jamais allés à l'opéra, c'est exactement le moment puisque les Noces sont traitées là comme un grand spectacle pour tous, presque comme du théâtre de boulevard. Les 3 heures 20 de spectacle se dégustent comme un bonbon acidulé accompagné de champagne.Pas de lit, pas de décimètre
Avant le lever du rideau, on a peur, par pure anticipation, d'être prisonniers d'une énième mise en scène qui montre à l'envi un lit près duquel se tient le pauvre Figaro à genoux, décimètre en main pour son air fameux « cinque.... dieci... venti... trenta... trentasei... ». Le rideau se lève, le public jubile déjà : pas de lit ! pas de décimètre ! Juste un décor en apesanteur où trois immenses tables dressées pour le banquet à venir flottent dans l'air. Une multitude de chaises s'envolent avec elles et nous voilà devant un banquet céleste. La direction musicale assurée par le déjà légendaire William Christie et la mise en scène fraîche et dynamique d'Adrian Noble rendent accessible à tous une musique lyrique souvent réservée aux initiés. Dès l'ouverture, William Christie impose une musique chaleureuse, exigeante et incarnée. L'orchestre, transcendé, offre une lecture vivante et les récitatifs, souvent décriés, s'intègrent sans faute et sans ennui. Mention toute spéciale pour le continuiste (au clavecin) qui a transformé ces récitatifs en petits moments de belle virtuosité. La distribution de haut niveau est dominée par le jeune François Lis qui incarne un Figaro fougueux, amoureux transi. Sa voix immense et raffinée séduit par sa sincérité. En comtesse meurtrie, Juliane Banse est aussi remarquable ; son timbre chaud et coloré donne le vertige à un public en suspens. Chez Mozart, lorsque tout est cohérent, il se passe quelque chose de profondément bouleversant : un air tendre se transforme en duo, qui lui-même se mute en trio toujours aussi tendre, qui laisse sa place à un quatuor, à un quintette puis à un sextuor pour s'arrêter à un septuor et là, la tendresse atteint le beau. À peine un bémol pour les costumes des chœurs sortis tout droit de l'univers du French-cancan revisité par Luky-luke...


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