Tzara approximatif


Théâtre / «Homme approximatif te mouvant dans les à-peu-près du destin / avec un cœur comme valise et une valse en guise de tête / buée sur la froide glace tu t'empêches toi-même de te voir»... Après avoir fondé, avec quelques autres, Dada en 1916 à Zurich, Tristan Tzara rédige entre 1925 et 1930 L'Homme approximatif. Un des grands textes du XXe Siècle, d'une clairvoyance sur la condition humaine comparable à certains égards à celle de L'Homme sans qualité de Musil par exemple. Ce long poème crépite de mots, d'images et de sensations, brûlant sur son passage conventions et significations usuelles, et entraîne dans sa course disloquée le fragile reflet d'une figure humaine éclatée aux quatre vents de l'écriture et de la matérialité des choses. Le Collectif des Esprits Solubles en présente une sorte de lecture musicale mise en espace plutôt qu'une véritable adaptation théâtrale. Martial Rauch lit derrière un pupitre des extraits du texte de Tzara, se déplaçant de temps à autre parmi des spectateurs assis sur des chaises pliantes au milieu d'une scène jonchée de ballons. Sa performance est accompagnée ou entrecoupée d'une musique originale interprétée par un quatuor à cordes et un percussionniste. Cette mise en écho d'un texte et d'une composition sonore de même structure formelle ne fonctionne ici pas très bien et parasite finalement l'écoute plus qu'autre chose : son compositeur a voulu «déjouer» des thèmes musicaux connus à la manière dont Tzara tord les codes du langage, mais ne parvient souvent qu'à des effets dissonants. Les plus téméraires d'entre vous pourront néanmoins tenter l'aventure car, malgré ses défauts, ce spectacle-lecture reste l'occasion de (re)découvrir dans une ambiance sympathique et un peu loufoque le chef-d'œuvre de Tzara. Jean-Emmanuel DenaveL'Homme approximatif de Tristan Tzara, mise en scène Martial RauchÀ l'Espace 44, jusqu'au 27 mai


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Le jour des Seigneurs