«Préserver l'idée de mystère»

Entretien / Laurent Pelly, directeur du Centre Dramatique National des Alpes, met en scène La Voix humaine et Le Château de Barbe Bleue. Propos recueillis par DA


Vous avez souhaité créer un lien entre les deux opéras que vous mettez en scène, pourquoi ?Laurent Pelly : Ce n'était pas prémédité. Judith dans Barbe Bleue et la femme de La Voix humaine portent en effet le même costume, comme si elles n'étaient plus qu'une seule et même femme. J'ai voulu mettre les deux œuvres en lien, utiliser les mêmes moyens de narration, mais il n'y a pas une seule clé de lecture !Les décors ont une importance toute particulière dans ces deux mises en scène...Dans La Voix humaine, le personnage se déplace peu, elle est enfermée dans son appartement, dans son angoisse et sa solitude. Je ne voulais pas représenter une chambre immense, mais utiliser la scénographie comme un cadre mouvant ; le décor se déplace pour «zoomer» sur le personnage, comme on pourrait le faire au cinéma. Dans La Voix humaine, je pense que le public ne peut être réceptif que s'il est en position de voyeur. La Voix Humaine, c'est du théâtre mis en musique. Cela demande un investissement de jeu très fort. Cela ne fonctionne que si l'interprète est aussi bouleversante que la musique.Dans Barbe-Bleue, vous avez travaillé sur l'évocation, vous ne montrez pas l'intérieur des chambres par exemple.Je connaissais bien La Voix humaine, moins Le Château de Barbe Bleue. Pour moi, c'est un chef-d'œuvre absolu. La musique est mystérieuse, poétique, magique, tellement puissante que l'on est hypnotisé. Il aurait été presque ridicule de montrer l'intérieur des chambres. J'ai voulu faire du château un personnage à part entière, travailler sur la magie, l'onirisme et le secret ; Barbe Bleue est une allégorie sur le rapport de couple. Judith n'accepte pas la part secrète de l'autre, elle envahit son jardin secret. Pour construire ce château, nous avons essayer divers matériaux : la pierre qui faisait un peu «Walt Disney», le béton dans un style architecture contemporaine qui avait un goût de déjà vu. Finalement, nous avons opté pour des grands murs capitonnés, menaçants, effrayants, un peu sales afin de préserver l'idée de mystère. Je ne voulais pas être dans l'illustratif.


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