Monstres et Cies

Événement / Les Subsistances consacrent leur nouveau week-end au monstrueux, sans monstre sacré mais avec une ribambelle d'artistes méconnus prometteurs... Jean-Emmanuel Denave


Souvenir d'un prof de philo qui, dans un couloir d'université, marmonnait à nos oreilles : «Après tout, qu'est-ce qu'il y a d'intéressant dans la vie si ce n'est les monstres ?». Oui, après tout et un peu de réflexion, les gens normaux n'ont rien d'extraordinaire, et quand ça sent le monstre (l'autre, ou l'autre tapi en soi) ça commence à sentir la vie. La thématique du nouveau week-end des Subsistances, Ça monstre, s'annonce donc des plus réjouissantes, surtout en plein premier tour des élections présidentielles ! La formule de la manifestation commence maintenant à être connue : des spectacles à gogo pendant trois jours (douze au total dont cinq créations) dans tous les domaines (théâtre, danse, cirque), des prix modiques voire gratuits, des concerts vendredi et samedi soirs (Don Rimini, Phonic, Nil...) et des prises de risques pour les programmateurs comme pour les spectateurs : le week-end de janvier s'était par exemple avéré globalement décevant. Ce week-end de printemps se déroulera une fois encore sans véritable tête d'affiche et nous vous proposerons ici quelques paris parmi une programmation assez ésotérique.Bêtes sur scèneSi nous ne connaissons pas son travail, la genèse du spectacle de la chorégraphe hongroise Eszter Salamon suffit à titiller notre curiosité : l'artiste a recherché sur Google les personnes portant le même nom qu'elle, puis est partie à la rencontre de plusieurs d'entre elles. À partir de cette fantaisie quasi oulipienne, elle a conçu And Then, pièce ovni pour huit interprètes (autant de doubles de la chorégraphe sans doute) qui mélange danse, musique et vidéo... En guise de suite peut-être à l'Inquiétante Étrangeté de Freud : si ce dernier s'effrayait momentanément de son propre reflet pris pour la présence d'autrui, la chorégraphe se confronte ici à des reflets d'elle-même qui au fond ne la concernent ni de près ni de loin. Côté danse, on suivra aussi avec la plus grande attention la nouvelle création de Jeremy Wade (voir article sur ce site). Côté théâtre, Paola Comis tente de «bâtir un spectacle à partir de ce qui nous reste, de l'intangible qui est en chacun d'entre nous, de ces petits riens fondateurs qui nous constituent... mais avec la ferme intention de dépasser l'autobiographie afin de créer des fragments de vie qui entreront en dialogue avec le public». Et Pascale Henry, après une expérience difficile d'atelier en prison où elle fut «confrontée à une machine guerrière du langage qui ne se laissait pas atteindre», s'interroge dans sa pièce C'est pour rire sur «nos rapports sociaux monstrueux», le «refus insu dans la vie quotidienne des contraintes de l'altérité», la «parole où tout est nivelé», pour essayer de faire dérailler tout cela. Enfin, n'oublions surtout pas le nouveau cirque avec l'impressionnante contorsionniste Jeanne Mordoj, le roi de la jongle Philippe Ménard ou les pièces pour vélo de l'ex-champion du monde de BMX Vincent Warin.Ça monstreAux Subsistances les 20, 21 et 22 avrilÇa


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