L'amour en fuite


Livres / Avec L'Amour est très surestimé, un titre emprunté à une chanson de Dominique A., Brigitte Giraud donne un recueil de nouvelles gorgées de rage, de grâce et de mélancolie. Onze histoires courtes qui explorent les amours finissantes, sous tous les angles. Dans «La Fin de l'histoire» premier texte de ce petit livre précieux, Brigitte Giraud dit l'incompréhension liée à la fuite inéluctable des sentiments et la perte progressive du désir. L'écriture cinglante, animée par des phrases courtes et acérées, excelle à ausculter les détails, les imperceptibles fêlures, les gestes les plus infimes qui ont jadis fait naître l'amour («comme toujours au commencement d'une histoire, les maladresse sont des trésors») et qui finissent par le condamner. Mais l'amour n'est pas seulement cette chose intime que Brigitte Giraud observe en entomologiste derrière les portes closes. C'est aussi une affaire familiale et sociale. Il en est question dans «Dire aux enfants», une nouvelle très sensible sur le délicat moment de l'annonce d'une séparation, qui sonne aussi comme l'aveu d'un échec : «Nous allons leur apporter la preuve que l'amour n'est rien, rien de ce qu'on nous avait laissé croire», mais aussi dans «Tu me manques déjà», ou dans le très beau texte consacré aux veuves. Car L'Amour est très surestimé est aussi (et avant tout ?) un livre bouleversant sur la perte de l'être aimé, un sujet très intime que Brigitte Giraud avait déjà abordé dans un précédent roman, À présent. En revenant notamment sur l'histoire privée, devenue «chose publique», entre Marie Trintignant et Bertrand Cantat («Tuer n'empêche pas d'être en deuil»), ou en fouillant encore et toujours ses propres blessures («Il est là, imprévisible, mais toujours en mouvement. Docile ou fulgurant. Assoupi ou insolent. Il m'habite désormais, sans me faire sombrer. Je le porte comme un enfant»), elle donne un recueil d'une émotion profonde. La dernière nouvelle, poignante, en est peut-être le plus pur joyau. YNBrigitte GiraudÀ la librairie PassagesJeudi 19 avril à 19h


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