Génies en herbe

Musique / Acclamés par la critique avec leur deuxième album, The Trials of Van Occupanther, précis de rock 70's aussi dégoulinant que redoutable, les Texans de Midlake investissent le Kao. Stéphane Duchêne


Voix en apesanteur et sinus enflammés, claviers vintage, compost organique folk travaillé à la pop numérique, à sa sortie, on avait gentiment comparé Bamnan & Slivercork, le premier Midlake, à la Sainte Trinité de la pop américaine, Grandaddy/Mercury Rev/Flaming Lips, qu'il imitait mieux que quiconque. Trois groupes qui avaient pour point commun d'avoir un jour livré, après une poignée de disques aimables mais sans réel génie, le disque qui soudain toisait la mêlée, mille pieds au-dessus du plancher des vaches à lait. Restait donc à Midlake à produire son Sophtware Slump (Grandaddy), son Deserter's songs (Mercury Rev) ou son Soft Bulletin (Flaming Lips). Une tâche dont les Texans s'acquittèrent avec l'insensé et très encensé The Trials of Van Occupanther. Mais pas vraiment de la manière qu'on aurait crû, Midlake choisissant alors d'enfermer son bazar de cibiste cul-terreux à la Grandaddy (claviers, bip-bip, vocoders) dans la cabane à outils, pour en découdre directement et à mains nues avec l'essentiel : l'échafaudage de mélodies tueuses. Moins charmeur, moins fouineur, moins abstrait, The Trials... refuse de perdre son temps à se rouler sur le sol moussu pour compter les étoiles et dégaine d'entrée : Roscoe, single pétri d'évidence placé en tête de gondole, assume la grandeur promise au groupe et déploie les ailes immenses nécessaires à l'envol. Destination : un panthéon rock à l'imagerie un peu fanée pour ne pas dire légèrement rance. Pastiche Plus grand monde, aujourd'hui, en dehors d'une poignée d'auditeurs quinquagénaires de Francis Zégut ou Georges Lang, pour se réclamer d'America, Fleetwood Mac ou les Eagles, de ces morceaux vastes comme le désert, ces solos clinquants et pète rétine comme la skyline de Las Vegas, ces claviers Supertrampés jusqu'aux os. Tim Smith, le leader de Midlake, n'a peur de rien et s'y risque volontiers, avec ce qu'il faut de grâce pour changer les ricanements en suffocations et le Texas réactionnaire en Californie de toutes les utopies. Et non seulement on n'a pas peur, mais en plus on en redemande. Sur le front de la pop bien mise, fille canon de la tradition folk, partie dîner en ville en robe à fleurs et bottes de caoutchouc, The Trials of Van Occupanther a fait de Midlake l'égal des Shins ou de Sufjan Stevens. Car Grandaddy séparé, Mercury Rev égaré, The Flaming Lips définitivement barré sur des planètes hydrogénées qui seules comprennent leur génie, le sceptre est vacant. Sauf que rien ne dit que Midlake a vraiment trouvé là son style. Surtout quand on sait que la première mouture du groupe donnait dans le... funk-jazz. On osera plutôt se demander si on n'a pas affaire ici à une bande de petits malins passés maîtres, comme d'autres (Zappa, Brian Jonestown Massacre, Quarter After), dans l'art du clonage musical, de l'exercice de style mimétique. Et qui, eux, oseraient avouer sans se cacher que le rock d'aujourd'hui, après 50 ans de règne, c'est du pastiche sinon rien. MIDLAKE + ROBERT GOMEZAu Ninkasi KaoLundi 16 avril


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