Que Touaregs viennent...


Musique / Quel est donc ce groupe si important pour que des gens aussi vénérables que Thom Yorke, Dominique A. et Elvis Costello en vantent les louanges ? Non pas la dernière sensation venue d'Amérique, mais d'authentiques Touaregs du désert réunis sous le nom de Tinariwen... Aujourd'hui, ils figurent avec les Congolais de Konono n°1 au sommet de ce vaste fourre-tout nommé «world music». Car la musique de Tinariwen, que l'on définit hâtivement comme un «blues du désert», c'est en fait du rock, du vrai, avec des guitares incroyables capables de riffs à la puissance démesurée, un foutu sens de la mélodie, des voix à la musicalité impressionnante et surtout une énergie à déplacer les dunes ou, chez vous, à pousser les murs de l'appartement. En concert, il doit être difficile de résister à ces guerriers ayant troqué leurs armes contre des instruments et leurs cris contre des chants de paix et de réconciliation. Mais il faut aussi absolument se procurer l'album (Aman Iman) qui bénéficie d'un travail éditorial comme on en voit peu de nos jours chez les majors : chaque chanson est reproduite phonétiquement, traduite et commentée, mettant en valeur toute la richesse textuelle, poétique et politique de Tinariwen. Car, pour eux, faire de la musique, c'est exprimer aussi l'histoire complexe de leur peuple, faite de rivalités tribales, de répressions sanglantes, de catastrophes naturelles, de grandes voix disparues prématurément et tragiquement. En cela, ils rejoignent les rappeurs les plus tranchants dans leur désir de mettre en mots toute la confusion identitaire née de l'exil et de la lutte pour la reconnaissance. Une confusion dont ils tirent un saisissant «Assouf» final, équivalent touareg et pour le coup intraduisible de la saudade portugaise.Christophe ChabertTinariwenAu Ninkasi Kao, samedi 14 avril«Aman Iman» (AZUniversal)


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Génies en herbe