Intelligence avec l'enemy


Légende / Est-ce qu'on peut vieillir avec le hip-hop ? 20 ans après leur premier album, approchant maintenant la cinquantaine, Chuck D, Flavor Flav et Terminator X ont réussi, malgré les tempêtes et les assauts parfois éphémères de jeunes rappeurs aux dents longues, à maintenir vaillante la flamme de Public Enemy. Tout le monde s'incline devant l'institution, son apport considérable à la musique et ses prises de position politiques décisives, mais pour combien de temps encore ? Pierres fondatrices de l'édifice rap, It takes a nation of millions to hold us back, Fear of a black planet et Apocalypse 91 : The empire strikes black ont non seulement changé le visage du hip-hop mais de la musique populaire toute entière. Impossible pour quiconque a vécu dans les années 90 de ne pas se souvenir du clip rageur de Burn Hollywood burn, de ne pas avoir été soufflé par le générique de Do the right thing de Spike Lee où, par dessus le corps de boxeuses sexy, Chuck D dégommait de sa voix de stentor Elvis Presley et John Wayne et appelait à «combattre le pouvoir en place». Difficile aussi d'oublier les accoutrements déments de Flavor Flav et ses lunettes à faire mourir de jalousie Elton John, vite débordé sur son extrême gauche par une bande de blacks paradant en treillis mitraillettes au poing sur la scène de l'Olympia. Dur enfin de passer sous silence la terrible polémique qui vit leur éminence grise et «scénographe» attitré Professor Griff se répandre en déclarations ouvertement antisémites à la manière d'un Dieudonné chez nous, avant d'être viré manu militari du groupe. Public Enemy, pendant une poignée d'années, a représenté ce brutal surgissement sur la scène artistique d'une pensée bouillonnante même dans ses contradictions, jusque-là cantonnée aux tribunes militantes (de Malcolm X aux Black Panthers), réclamant qu'on l'écoute avec l'attention qu'elle mérite, les bras levés plutôt que le poing fermé... Le plus beau, c'est qu'avec le recul de l'histoire, on constate que Chuck D et ses potes ont gagné sur tous les fronts : leur rap est toujours incroyablement jeune, leurs samples frappent encore par leur efficacité. Et qu'importe si leurs derniers albums n'ont pas la force de leurs premiers et indémodables manifestes. Public Enemy est vivant, et quel que soit le dernier phénomène rap à la mode, ce sont eux qui ont le dernier mot : «Don't believe the hype !».CCPublic EnemyAu TransbordeurJeudi 5 avril


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Wu's the boss ?