Cordes raides


Musique / Au sein de Noir Désir, Serge Teyssot-Gay a toujours fait figure d'ange noir, laissant à Bertrand Cantat le soin d'allumer les incendies quand lui préparait les explosifs dans l'ombre. Sa carrière parallèle, entamée il y a une dizaine d'années, n'est jamais parvenue à contredire cette évidence. Au contraire, il y arpente, en solo ou au gré des collaborations, des terrains encore plus accidentés, souvent inexplorés, que les vrombissantes autoroutes de Tostaky ou les chemins de traverse de Des Visages des Figures. La dernière fois qu'on l'avait vu à Lyon, il copinait pour la seconde fois, après Contre (2002), avec l'écrivain Lydie Salvayre pour une lecture musicale et écorchée vive intitulée Dis pas ça (2004). Une relation à l'écriture qu'il avait déjà embrassée pleinement avec son second album On croit qu'on est sorti (2000), pièce musicale tirée du roman de Georges Hyvernaud, La Peau et les os. Mais Teyssot-Gay reste un guitariste dans l'âme, fasciné par la recherche musicale, que ce soit avec le trio Zone Libre ou, ici, avec Interzone, projet musical mené avec Khaled Aljaramani, musicien syrien virtuose du Oud, la variante arabe du luth européen. Cette expérience singulière de télescopage entre guitare et oud, rock et musique arabe avait déjà donné naissance à l'éponyme Interzone (2005), impossible à frapper du sceau musiques du monde. Car ce monde-là, cette Interzone, n'ayant pas, en accord avec le concept burroughsien, de réalité propre, sa musique reste à inventer. Ce à quoi s'attachent, une nouvelle fois Teyssot-Gay et Al-Jaramani sur Deuxième Jour, sillonnant avec quelques invités un vaste terrain vague aux reliefs soutenus, que cette bande-son de western oriental maintient perpétuellement sous tension, ou, comme dirait Burroughs, «sur la corde raide de l'Humanité». SD


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Belle collec'