Starlette Johanson

Musique / Après quelques années d'errances électro à paillettes, Jay Jay Johanson revient présenter en acoustique The Long term physical effects are not yet known, album tout en nuances et retour aux sources. Stéphane Duchêne


Dix ans déjà que Jay Jay Johanson débarquait en France avec son Whiskey, mélange de cool crooning venu du froid, de prise de tête portisheadienne et de langueur monotone à la Michael Nyman (à qui il empruntait le thème du film Drowning by Numbers de Peter Greenaway). Le tout emballé dans des mélodies cotonneuses et jazz qui enfantaient la trip pop. Cet album lui valut alors en France la reconnaissance éternelle de mélomanes qui se demandaient qui était cette grande gigue blondinette venue de Suède. Suède où Johanson restera longtemps un inconnu, au point de s'installer en France (à Strasbourg), là où l'on savait reconnaître son talent. Ce qui continua avec Tattoo et surtout Poison, troisième opus glacial et hitchcockien, où Jay Jay jouait, de sa voix de fausset, l'inquiétant Norman Bates déguisé en Mme Bates mère. Puis inexplicablement, il péta un câble gros comme le poing et enregistra Antenna (2002), délire 80's de starlette électro-pop, totalement hors sujet et noyé sous des montagnes de synthés en plastique et des rythmiques de fond de Top 50. Sur la pochette, sommet de n'importe quoi, Jay Jay arborait, le torse nu et la clavicule saillante, une sorte de mullet cubiste roux, entre Ziggy Stardust victime de pelade et Alexander Mac Queen rafraîchi au rotofil. Pire, la plupart des titres, Déjà Vu en tête, comme du Stéph' de Monac' tapinant à l'Eurovision. Ce qui valut pourtant à l'allumette suédoise souffreteuse une soudaine renommée dans son pays et de par le monde. On eut alors quand même un peu envie de le prendre dans nos bras pour lui demander : «qu'est ce qui ne va pas Gégé ? Tu ne veux pas éteindre ton Bontempi et aller chez le coiffeur ?». Jay Jay Johanson againQuand sortit Rush (2005), cinquième album fadasse et anachroniquement house, plus personne n'écoutait. Mais voilà qu'aujourd'hui, le Gégé remonte la raffarinesque pente raide à la route droite qui mène au renouveau. Sur The Long Term physical effects are not yet known, il ose un Jay Jay Johanson Again, équivalent du galvanisant So Tells the girls that I'm back in town, paru sur Whiskey et confession d'un artiste qui a retrouvé son Latin (lover). De nouveau ombrageux, plus cinématographique que jamais, gainsbourgien et embrumé, Jay Jay renoue doucement avec le charme pervers de Poison ainsi qu'avec ses premières amours jazz, sa Statue du Commandeur personnelle : Chet Baker. Plus intéressant encore, il effectue ici une tournée acoustique qui lui permettra de dépouiller ses morceaux de tout artifice pour en livrer l'âme ouatée et la réserve fondatrice. Le voilà donc redevenu Jay Jay, comme il dit : "Rien n'a changé, je suis toujours le même, Jay-Jay Johanson / Regarde dans ces yeux et tu reconnaîtras Jay-Jay Johanson". Les «effets physiques à long terme» n'étant en effet pas encore connus, Jay Jay se méprend en partie : beaucoup de choses ont changé depuis dix ans et il n'est sûrement plus le même. Mais au moins le reconnaît-on à nouveau. Moins starlette, davantage Chet. À nouveau chouette.JAY JAY JOHANSONAu Ninkasi KaoLe 26 mars«The Long Term physical effects are not yet known» (EMI/Labels)


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