Incorrigible François Curlet

Expo / L'IAC présente la première grande exposition consacrée à François Curlet qui, à travers une soixantaine d'œuvres désopilantes, renverse et malmène nos codes culturels et économiques. Jean-Emmanuel Denave


Après Allen Ruppersberg et avant Jeff Geys, l'Institut d'Art Contemporain de Villeurbanne expose l'inclassable François Curlet. L'air de ne pas y toucher, la nouvelle directrice de l'Institut, Nathalie Ergino, pose peu à peu les bases de sa ligne artistique : exposer des électrons libres post-dada et post-conceptuels qui, à la belle forme, préfèrent de très loin les court-circuits humoristiques et critiques entre l'art et la vie quotidienne, économique et politique. Bref, des olibrius qui ne renieraient pas le bon mot, célèbre et génial, de Robert Filliou : «L'art est ce qui rend la vie plus intéressante que l'art». Né en 1967 à Paris, Lyonnais jusqu'à l'âge de 22 ans, vivant actuellement entre Bruxelles et Paris, François Curlet est un modèle du genre. Héritier de Dada, du Pop Art, des Situationnistes et de Jeff Geys justement, ce trublion sarcastique et génial a déjà un beau tableau de chasse derrière lui : en 1994, il ramasse avec des clochards des cannettes de bière consignées pour tenter de lancer une O.P.A. sur Pechiney ; en 2002, il recrute sur petites annonces une volontaire à qui il paye quatre mois de vacances en échange de son journal intime (cette expérience aboutit à une œuvre vidéo présentée à l'IAC) ; en 2004, pour une Nuit Blanche parisienne il simule l'intrusion de singes dans les rayons d'un magasin du Printemps... Chat en radePiochant dans tous les médiums, l'œuvre de François Curlet avance à coup de clashs conceptuels et visuels, de dérapages sémantiques, de déconstructions d'idées reçues, de perturbations, de contaminations entre univers hétérogènes... Rire et réflexion, main dans la main, vous accompagneront tout au long de l'expo à l'IAC réservant mille surprises et distorsions subtiles (ou non) de la réalité. Après une première salle consacrée aux œuvres de jeunesse de Curlet, les plus cow-boys d'entre vous franchiront les portes battantes de son Rorschach Saloon, mixe déjanté d'un bar (avec véritables bouteilles de whisky et vodka consommables sur place !) et d'un cabinet de psychanalyste (trois bancs pour s'allonger l'inconscient), pour une très libre et très ivre thérapie collective. Les moins titubants d'entre vous poursuivront dans les salles suivantes pour y découvrir tout à trac : une bouteille de coca-cola allongée en massue, un code de carte bleue peint au pochoir avec le nom de son propriétaire sur le cartel, une planche de surf canadien en bois brut, un Œuf de voiture cubique, la plante Immobile dont les fleurs sont constituées de tickets d'attente portant tous le même numéro, une vitrine munie de deux lentilles grossissantes visant à trier les gens en fonction de leur visage et de leur sexe... Citons encore l'une de nos œuvres fétiches : le Chaquarium, où un vrai chat persan se retrouve dans le lieu même de ses victimes poissonnières, soit un immense aquarium avec bulles, corail, gravier et éléments de décoration kitsch... François CurletÀ l'Institut d'Art Contemporain de Villeurbanne, jusqu'au 18 mars


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