Enfant de poème

Festival / Le Printemps des poètes chantera cette année l'amour, en rendant hommage à Lettera Amorosa, le sublime poème de René Char, dont on fête le centenaire de la naissance. Au programme également, un regard sur la poésie suisse et la production lyonnaise...Yann Nicol


On peut difficilement rêver meilleur parrainage pour une manifestation poétique que celui de René Char. Poète, il le fut autant dans son œuvre que dans son existence. Après s'être engagé dans la résistance pendant la seconde guerre mondiale, il se retire dans sa Provence natale pour mener à bien son entreprise littéraire de manière individuelle alors qu'il fut un temps associé au mouvement surréaliste. Parmi ses plus grands textes, il y a bien sûr ce merveilleux chant d'amour que constitue Lettera Amorosa, un titre qui est aussi le thème de la 9e édition du Printemps des poètes, la 6e à Lyon. Ce long poème, que Gallimard rééditera d'ailleurs à cette occasion avec les illustrations de Georges Braque, était paru en 1963 dans le recueil intitulé La Parole en Archipel, un titre lui aussi significatif du travail poétique de Char sur le langage et son morcellement. Inspiré d'un Madrigal de Monteverdi et animé par une langue finalement assez classique, Lettera Amorosa est une sorte de symbole absolu de la poésie amoureuse : «Je ne puis être et ne veux vivre que dans l'espace et dans la liberté de mon amour. Nous ne sommes pas ensemble le produit d'une capitulation, ni le motif d'une servitude plus déprimante encore. Aussi menons-nous l'un contre l'autre une guérilla sans reproche».Poète en son paysOutre cet hommage à René Char, cette édition du Printemps fera également un clin d'œil à notre «belle voisine» helvétique avec de nombreux poètes suisses contemporains. Parmi eux, des auteurs comme Ralph Dutli, Vahé Godel ou José-Flore Tappy. Ne ratez pas Fabio Pusterla, suisse italien qui nous avait enchanté avec son très beau recueil paru chez Cheyne éditeur, intitulé Deux rives et traduit par l'un des plus grands poètes que la Suisse ait connus, le très précieux Philippe Jaccottet. Comme chaque année, le prix Kowalski sera attribué pendant la manifestation : il récompense cette fois ci le « recueil de voyage » d'Emmanuelle Merle, Amère Indienne, paru très récemment chez Gallimard. Et puisque l'on est parfois poète en son pays, vous aurez également l'occasion de redécouvrir la poésie lyonnaise du XIXe siècle, et celle plus récente que certains de nos écrivains viendront vous présenter. Patrick Dubost, l'agitateur sonore, Annie Salager ou Fabienne Swiatly seront de ceux-là. Saluons enfin la présence de notre ami Frédérick Houdaer, auteur en 2004 d'Angiomes un premier recueil édité à la Passe du vent. Une poésie bien éloignée de celle de René Char, qui montre la modernité d'un genre littéraire en pleine ébullition. En voici un petit avant-goût : «toutes / elles avaient toutes / affiché sur leur mur / les tâches dorées si reconnaissables / des œuvres de Klimt / comme si elles avaient toutes / habité le même appartement / à défaut d'habiter le même corps».


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