Ouvrez les guillemots

Musique / Arrachée à même leurs rêveries et retranscrite avec une passionnante ambition orchestrale, la pop de Guillemots dessine le portrait d'un groupe entre chic mélomane et promenade bucolique. Christophe Chabert


C'est quoi un guillemot ? Un oiseau capable de plonger sous l'eau pour attraper ses proies et qui peut se lancer de hautes falaises alors que son plumage n'est pas pleinement constitué. Métaphoriquement donc, le guillemot serait à la fois à l'aise dans les airs comme dans les profondeurs aquatiques. On n'imagine pas les membres de Guillemots avoir choisi ce nom au hasard d'un brainstorming interminable avec un dico dans la pogne. Car cette brève explication ornithologique décrit mieux qu'aucune autre leur musique. Chaque chanson de Guillemots est un vol majestueux au-dessus d'un nid de musique pop, qui rappelle (en moins spectaculaire tout de même) les magistrales élévations de Flotation toy warning, il y a deux ans. Car ce quatuor anglais possède une réelle générosité pour habiller ses morceaux des atours les plus séduisants, comme en témoigne l'ouverture de l'album, semblable à ces levers de rideaux à l'ancienne dans les cinémas d'exclusivité : un orchestre à cordes introduit pendant une bonne minute un morceau par ailleurs totalement épuré, aérien, onirique, chanté avec les tripes par le leader Fyfe Dangerfield. Plus tard, sur Come away with me, Through the window pane et If the world ends, le guillemot a quitté le ciel et entend en apnée quelques chants de baleine, pendant que des chœurs laissent deviner la découverte d'une nouvelle Atlantide. Et l'auditeur de basculer lentement dans leur rêve...Symphonie pastoralePas de couplets, pas de refrains dans les chansons de Guillemots, mais une liberté absolue dans leur composition. Si l'affaire s'en tient textuellement au niveau des traditionnelles lamentations sur l'amour déçu - à l'exception du morceau qui leur a assuré la notoriété, Trains to Brazil, qui évoque les ravages du terrorisme islamiste - c'est bien dans ses ambiances et atmosphères que le groupe se démarque du tout-venant pop actuel. Les arrangements impressionnants du disque, à base de chorale, d'orchestres à cordes et à vents, d'une section de cuivres à géométrie variable, et même d'un groupe de percussions brésiliennes, ne sont jamais utilisés pour en mettre plein la vue, mais pour ouvrir au maximum le champ sonore dans lequel les morceaux vont s'épanouir. Même une chanson clavier/voix comme le très beau Blue would still be blue semble avoir été enregistrée dans un espace infini, improbable, preuve s'il en fallait une que Guillemots n'est pas un groupe grandiloquent, juste précieux. À l'heure où la tendance anglaise est à la virée dans les ruelles craspecs et les clubs moites de Londres, Guillemots rêve de symphonies pastorales au fond de la Manche et de sauts dans le vide au bord des falaises du Sussex.GuillemotsVendredi 23 février au CCO«Through the windowpane» (Fantastic Plastic/Naïve)


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