Le fils préféré


Musique / Jakob Dylan, Adam Cohen, Rufus Wainwright, Ziggy Marley, nombreux sont les «fils de» qui ont embrassé, avec plus (Jeff Buckley) ou moins (Chris Stills) de réussite, la carrière de leur illustre géniteur. Mais s'il en est un pour qui se jeter à l'eau ressemblait à un saut de l'ange dans les ennuis, c'est bien Sean Lennon, l'enfant-roi de John et Yoko. D'autant que son demi-frère Julian (le Jude de Hey Jude) avait déjà essuyé les plâtres (et les quolibets) dans les années 80 avec ses vaines tentatives discographiques. Sean, lui, avait, pour son premier disque, Into the Sun (1998), évacué toute comparaison en signant, sur le label des Beastie Boys, un album qui flirtait davantage avec l'underground new-yorkais et la curiosité brindezingue de maman qu'avec les mélodies british de papa. Huit ans plus tard, il s'est pourtant décidé à en découdre avec l'héritage paternel sur Friendly Fire, collection morbide de fines ballades beatlesiennes sur le destin tragique de son meilleur ami (après avoir piqué la copine de Sean, il s'est tué en moto, c'est ballot). Mais, pied de nez au mythe familial, ses indéniables qualités de compositeur vont plutôt fouiner du côté de Brian Wilson, Elliott Smith ou McCartney (jusque dans une certaine mièvrerie un rien ennuyeuse à l'occasion). Et quand il s'essaie à une reprise (Would I be the one) c'est à Marc Bolan qu'il rend hommage. Reste ce timbre unique et lennonien qui ajoute au classicisme distingué (et un peu raide) de Friendly Fire. On en vient donc parfois à regretter les embardées foisonnantes, jazz, pop ou grunge, qui faisaient le charme singulier d'Into the Sun. Il est probable que le Salut de Lennon Jr se situe quelque part entre les deux : sur les traces de son père, mais à distance respectable. Stéphane DuchêneSEAN LENNONAu Ninkasi Kao Le 26 février


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